CONTRE/Linceul


Arguments sceptiques - Suaire de Turin/Steven D. Schafersman

http://www.sceptiques.qc.ca/dictionnaire/shroud.html

Suaire de Turin

«À partir des données empiriques et de la simple logique, n'importe quelle personne rationnelle et objective en arrivera à la conclusion définitive que le Suaire de Turin est un faux, produit par un artiste du quatorzième siècle.» Steven D. Schafersman
Face of Jesus?
Pièce de tissu en lin de 4,30 mètres sur 1,10 mètre portant l'image d'un homme. En fait, il s'agit plutôt de deux images, l'une ventrale et l'autre dorsale, dont les têtes se touchent au sommet. Un critique anonyme fait remarquer que si le suaire avait réellement enveloppé un corps, il devrait y avoir un espace là où les deux têtes se rejoignent. Ce même critique dit également que la tête présente un volume de 5 % supérieur à la normale par rapport au corps, que le nez est disproportionné et que les bras sont trop longs. Néanmoins, nombreux sont ceux qui croient qu'il s'agit là d'une image en négatif du Christ après sa crucifixion, et que le suaire a servi à son inhumation. La plupart des sceptiques, quant à eux, voient dans cette image un faux de nature religieuse. Le suaire est conservé dans la cathédrale de Turin, en Italie.
Apparemment, le première mention historique de la présence du suaire à Turin date de la fin du seizième siècle, lorsqu'il y a été installé. On l'aurait cependant découvert en Turquie, lors d'une des «saintes» croisades du Moyen-Âge. En 1988, le Vatican a donné la permission à trois institutions indépendantes (l'université d'Oxford, l'université de Tucson, en Arizona, et l'Institut fédéral de technologie de Zurich) d'effectuer une datation du suaire. Chacune a obtenu des résultats indiquant qu'il remontait au Moyen-Âge, autour de 1350. Au début du seizième siècle, il semble que le suaire ait échappé de justesse aux flammes, lors d'un incendie. D'après ceux qui croient en son authenticité, c'est ce qui explique le fait que la datation au carbone 14 ne va pas au-delà de 650 ans. Aux yeux de ceux qui préfèrent douter, on dirait bien là une hypothèse ad hoc. Selon le professeur Walter McCrone,
l'idée que l'incendie de Chambéry en 1532 ait pu modifier la datation du suaire est absurde. Les échantillons prélevés pour la datation au carbone 14 sont réduits en CO2 par combustion dans le cadre d'un processus de purification soigneusement contrôlé. De même, l'idée que des contaminants biologiques modernes aient pu modifier la date est tout aussi ridicule. Un poids de carbone du vingtième siècle équivalant pratiquement au double du poids en carbone du suaire aurait été nécessaire pour faire passer la date du premier siècle au quatorzième (voir graphique du carbone 14). D'ailleurs, les échantillons de tissu ont été soigneusement nettoyés avant que les laboratoires n'effectuent leurs analyses.*

Les sceptiques seront intéressés d'apprendre qu'un grand nombre de croyants avancent des preuves scientifiques de l'authenticité du suaire. Bien entendu, ces preuves se limitent presque exclusivement à des faits qui seraient vrais si le suaire était bel et bien authentique. Par exemple, on prétend que le suaire montre l'image en négatif d'un crucifié. On dit qu'il s'agit de l'image d'un homme ayant subi des tortures identiques à celles qu'aurait subies Jésus. On prétend également qu'il ne s'agit pas d'une peinture, mais d'une image transposée miraculeusement. Les sceptiques, quant à eux, affirment que le suaire est bel et bien une peinture et, par conséquent, un faux.

Le commerce des reliques

Selon ceux qui doutent du caractère véridique du suaire de Turin, il ne s'agit de rien d'autre qu'une relique créée de toutes pièces pour soutirer de l'argent aux crédules ou impressionner les infidèles. (Dans le même style, une image de Notre Dame de la Guadeloupe, censée s'être imprimée par miracle sur un tissu, est apparue au Mexique au seizième siècle.) Dans Inquest On The Shroud Of Turin, écrit en collaboration avec un groupe d'experts scientifiques et techniques, Joe Nickell s'exprime sans embages au sujet de cette entreprise. L'auteur affirme que les données historiques, iconographiques, pathologiques, physiques et chimiques montrent toutes le caractère frauduleux du tissu. Le suaire est une peinture du quatorzième siècle, et non une image du Christ vieille de 2000 ans.

Parmi ceux qui partagent cet avis, on retrouve Walter McCrone, microchimiste. Il explique sa position dans Judgment Day for the Shroud of Turin (mars 1999). Selon lui, «on a enduit de pigment un modèle masculin, qu'on a ensuite enveloppé dans un tissu pour créer une image floue du Christ*». On a employé de l'ocre, «pigment présent dans la terre et largement utilisé en Italie au Moyen-Âge. On a pressé le tissu contre le front et les pommettes du modèle, ainsi que le reste de sa tête et de son corps afin d'obtenir l'image qui est parvenue jusqu'à nous. Du vermillon, fait à partir de sulfure de mercure, a ensuite été appliqué sur les poignets, les pieds et le corps de l'image pour représenter le sang». Pour son travail sur le suaire, l'American Chemical Society a décerné à McCrone son prix de chimie analytique.


Les preuves d'authenticité

Le suaire possède toutefois ses défenseurs, qui croient avoir démontré que le tissu n'est pas un faux, qu'il date du temps du Christ, qu'il est d'origine miraculeuse, et ainsi de suite. Ils disent, par exemple, qu'on retrouve des traces de sang de groupe AB sur le suaire, ce que les sceptiques nient. En effet, on n'a pas trouvé de traces de sang directement sur le tissu, mais bien sur le ruban gommé qui a servi au prélèvement de fibrilles du suaire. Les taches de sang anciennes sont noires; celles du suaire sont rouges. Une analyse chimique de ces taches a montré qu'elles se composaient d'ocre rouge et de détrempe de vermillon. D'autres tests, effectués par Adler et Heller, ont cependant montré qu'il s'agissait bien de sang*. Si c'est véritablement le cas, ce pourrait être du sang d'une personne du quatorzième siècle. Ce pourrait être celui du modèle qu'on a enveloppé dans le tissu, ou celui du créateur du faux, ou encore de toute personne ayant manipulé le suaire ou le ruban gommé ayant servi aux prélèvements. Autrement dit, la présence de sang sur le tissu n'indique rien du tout à propos de son âge véritable ni de son authenticité.

On a dit que du pollen [format PDF] et des images de plantes qui ne poussent que dans la région de la mer Morte ont été retrouvés sur le suaire. Avinoam Danin, de l'université hébraïque de Jérusalem, a identifié du pollen de l'amarantacée Gundelia tournefortii, de même que d'une espèce de câpre. D'après lui, une telle combinaison ne se retrouve que dans les environs de Jérusalem. Certains croyants pensent même que la couronne d'épines était faite des branches de l'amarantacée. Il convient avant tout de noter que Danin n'a jamais examiné le suaire lui-même. Ses échantillons de grains de pollen lui sont venus de Max Frei, qui les a prélevés sur le suaire à l'aide d'un ruban gommé. L'intervention de Frei même a été marquée du sceau de la controverse dès le départ. Frei, qui a déjà déclaré que les faux «Cahiers d'Hitler» étaient authentiques, a probablement introduit les grains de pollen lui-même, ou s'est fait duper par des fraudeurs religieux, qui ont introduit les grains eux-mêmes (Nickell, Shafersman).

Danin et son collègue, Uri Baruch, prétendent également avoir découvert des impressions de fleurs sur le suaire, des fleurs qui ne peuvent provenir que d'Israël. Cependant, les images florales qu'ils ont repérées sont dissimulées dans des taches, un peu comme cette image de Jésus, cachée dans une tortilla, ou celle de Marie, dissimulée dans l'écorce d'un arbre. D'ailleurs, la première personne à avoir vu les fleurs était un psychiatre, probablement expert dans le déchiffrement de traits de personnalité à partir de tâches d'encre (Nickell, 1994).

Danin fait remarquer que sur le sudarium d'Oviedo, en Espagne, pièce de tissu censée avoir enveloppé le visage de Jésus, on retrouve les mêmes deux types de pollen que sur le suaire, et qu'il est également taché de sang de type AB. Comme on croit que le sudarium existait déjà avant le huitième siècle, Danin pense «qu'il s'agit là d'une preuve claire que l'existence du suaire remonte avant cette époque». En effet, le sudarium est censé avoir été retrouvé dans un coffre contenant des reliques datant au moins du temps de l'invasion de l'Espagne par les Maures. Apparemment, le tissu s'y trouvait quand on a ouvert le coffre en 1075. Mais comme il n'y a pas de sang sur le suaire de Turin, et qu'il n'y a aucune raison valable de penser, comme le fait Danin, que les grains de pollen se trouvaient sur le suaire depuis l'origine, cet argument est fallacieux.

De toutes manières, le fait que du pollen de plantes poussant près de la mer Morte ou Jérusalem soit présent sur le suaire n'est pas très révélateur. Même si on laisse de côté l'hypothèse de la fraude, il demeure possible que le pollen ait été déposé accidentellement par l'une des très nombreuses personnes ayant touché le tissu, et les grains de pollen aurait pu transiter de la Palestine à n'importe quelle époque, avant ou après l'arrivée du suaire en Italie. En fin de compte, il ne s'agit pas là d'un élément de preuve bien déterminant.

En outre, qu'il y ait deux pièces de tissu ayant servi à l'inhumation de Jésus ne permet pas davantage d'affirmer que le suaire est authentique, bien au contraire. Combien reste-t-il de ces tissus, dont on n'a pas encore entendu parler? Les a-t-on produits en série, comme les reliques de la Vraie Croix, les brins de paille de l'étable ayant abrité le Christ nouveau-né, et les crânes de saint Jean Baptiste? Qu'on retrouve sur deux tissus, dont l'un vient d'Espagne et l'autre d'Italie, des grains de pollen et des taches de sang identiques est loin de constituer des preuves claires qu'ils remontent à la même époque lointaine, surtout s'il est évident que ce qu'on dit à propos du pollen et du sang est faux. Mais même si ces affirmations étaient vraies, elle ne montreraient en rien que ces pièces de tissu ont effectivement enveloppé le corps de Jésus.

Un tissu de faussetés

Le suaire est apparemment un tissu de qualité. À l'époque de Jésus, seuls les juifs les plus fortunés auraient été en mesure de se payer quelque chose du genre, ce qui semble aller à l'encontre de ce que nous savons des milieux que le Christ est censé avoir fréquenté. Un lecteur du Dictionnaire sceptique, Hal Nelson, a cependant fait valoir l'argument suivant: «Le suaire a été offert par Joseph d'Arimathie, que l'Évangile selon saint Matthieu décrit comme un riche disciple de Jésus». (Le suaire de Turin présente une armure à chevrons; le Sudarium d'Oviedo est un taffetas. La chose prouve sans doute que Jésus comptait des disciples dans toutes les couches de la société, et que certains d'entre eux avaient même du sang de groupe AB.)

L'image qui figure sur le suaire est celle d'une homme d'environ 1m90, et la longueur du tissu a même convaincu un chercheur et croyant que le suaire a pu servir de nappe lors de la dernière Cène. On peut lui supposer une myriade d'autres usages, sans doute...

Pour les croyants, toutefois, ce ne sont pas les preuves scientifiques de l'authenticité du suaire qui comptent, mais plutôt leur foi en l'origine miraculeuse de l'image qui s'y trouve. Pour eux, il s'agit d'une preuve de la résurrection du Christ et sa nature divine.

Rien qu'une autre relique?the Sudarium of Oviedo
L'aspect le plus fascinant de la controverse entourant le suaire de Turin est sans doute la façon dont les croyants ont sans cesse recours à des faux-semblants et dont les sceptiques n'arrêtent pas de mordre à l'hameçon. Danin a présenté son argument à propos des plantes et du pollen en 1998, après avoir annoncé la découverte d'images de plantes sur le suaire en 1997. Dans un article datant de 1998, il a prétendu avoir trouvé des preuves que «le Suaire ne peut être venu que du Proche Orient». Dans un article de Traci Angel diffusé par l'American Press (8 mars 1999), Danin affirme que les preuves indiquent «un groupe floral venant des environs de Jérusalem». Sans aucun doute, un nouveau débat va faire rage sur l'origine des plantes et du pollen. Mais la chose a-t-elle la moindre importance? Même si l'on parvient à établir au-delà de tout doute raisonnable que le suaire vient de Jérusalem, et qu'il a servi à l'inhumation de Jésus, qu'est-ce que cela peut bien faire? Prouverait-on ainsi que Jésus est revenu d'entre les morts? Pas du tout. La résurrection étant physiquement impossible, on ne peut en apporter de preuves physiques. Seule la foi religieuse peut soutenir une telle croyance. Que quelqu'un s'est élevé vers le ciel avant d'y disparaître (autrement dit, que cette personne est montée au Paradis) ne saurait être confirmé ni infirmé par un débat à propos du suaire. Enfin, rien mais absolument rien n'arrivera jamais à prouver qu'un homme était de nature divine, qu'il était son propre père et qu'il a été conçu sans que sa mère n'ait jamais connu d'activité sexuelle. Ainsi, peu importent les brillants arguments avancés par de non moins brillants scientifiques à propos de cordes, d'éponges, d'épines, de fleurs, d'amarantacées et de taches de sang: rien de tout cela ne sera jamais en mesure de prouver un article de foi.

Voir également Foi et Miracles.

Lectures recommandées

McCrone, W.; Judgment Day for the Shroud of Turin (Buffalo, N.Y.: Prometheus Books, 1999).
Nickell, J.; Inquest On The Shroud Of Turin (Buffalo, N.Y.: Prometheus Books, 1987).
Nickell, J.; "Pollens on the 'Shroud': A study in deception," Skeptical Inquirer, été 1994.
Nickell, J.; Looking For A Miracle: Weeping Icons, Relics, Stigmata, Visions and Healing Cures (Buffalo, N.Y.: Prometheus Books, 1993).
Broch, H.; Le paranormal – Ses documents, ses hommes, ses méthodes; Éditions du Seuil; 1989


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Etude Contre - Le Suaire de Turin


LE SUAIRE DE TURIN
Mais aucun miracle ne leur sera donné
si ce n'est celui de Jonas.

Mattieu 12,39-40

"Suaire" : Linge dans lequel on ensevelit un mort. Saint-Suaire : Linceul qui servit lors de l'ensevelissement du Christ. Ces défénitions se trouvent dans n'importe quel bon dictionnaire. Le Saint-Suaire conservé dans la cathédrale de Turin (d'où son nom) est certainement la plus célèbre des reliques du monde chrétien. Il est devenu à travers les siècles un objet de vénération pour plusieurs générations de chrétiens catholiques convaincus de son authenticité. il n'est d'ailleurs pas rare de nos jours encore de rencontrer dans certaines églises ou chapelles des icônes représentant le visage de l'homme du Suaire.
Cette pièce de lin longue d'environ 4 mètres 30 sur 1 mètre 10 possède il est vrai d'étranges propriétés. On peut y déceler l'image à peine visible d'un homme barbu qui semble avoir subi l'atroce supplice de la crucifixion, très prisée durant l'Antiquité par les Romains. Pour les catholiques (ou du moins une certaine partie d'entre-eux), cette image ne peut être que celle de Jésus-Christ, le Messie, le fils de Dieu. En examinant de plus près le Saint-Suaire, on remarque en effet certains détails qui rappellent immanquablement la mise à mort de Jésus vers l'an 33 de notre ère à Jérusalem : blessures à la tête provoquées par la couronne d'épines, coup de lance au flanc droit, trace de clous aux pieds et aux mains...
Toutes sortes de recherches furent effectuées sur ce morceau de tissu. Les nombreux partisans de son authenticité créérent même une nouvelle discipline scientifique pour l'étudier : la sindonologie (de l'italien sindone, linceul). Un spécialiste de cette spécialité (un sindonologue), jésuite de son état, calcula même qu'il n'y avait qu'une chance sur 225 milliards pour que le Suaire de Turin ne soit pas celui du Christ... (1)
Histoire du Saint-Suaire

La toute première apparition historiquement prouvée du Saint-Suaire a eu lieu dans le royaume de France au XIVième siècle et plus précisément en 1357 à Lirey près de Troyes. Sa première exposition publique y eut lieu à l'initiative d'une riche veuve, Jeanne de Vergny, appuyée par le clergé local. Très vite, ces expositions attirèrent des foules considérables venues admirer le "véritable linceul de Jésus". Ces méthodes déplurent grandement à l'évêque des lieux, Henri de Poitiers, qui fit interdire purement et simplement ces ostentions qu'il dénonça comme une supercherie. Pendant plusieurs dizaines d'années, le linceul sacré resta à l'abri des yeux des fidèles jusqu'au jour où le pape autorisa à nouveau qu'il soit exposé. Pourtant, le pape Clément VII ne semblait guère croire à l'authenticité de la relique. En 1390, il déclara même que "ce n'était pas le vrai linceul de Notre seigneur mais une peinture faite à la ressemblance du Seigneur".
Le journaliste Ian Wilson a tenté de démontré que le Suaire était connu depuis fort longtemps avant cette date. Il parle d'une image du Christ imprimée sur un tissu : le Mandylion, connu en Turquie dès le IVième siècle. L'auteur a tenté de prouver que le Mandylion et le Suaire était le même objet. Mais le Mandylion (dont on garde des reproductions) ne représente que le visage du Christ alors que l'image du Suaire est celle d'un corps entier. (2)
A partir des expositions de Lirney, il est facile de reconstituer grâce aux archives l'itinéraire du Suaire jusqu'à nos jours. il voyagera un peu partout en France (Paris, Nice,...). La relique fera même un bref séjour en belgique à Chimay en 1449. L'évêque de Liège le considéra d'ailleurs comme un faux. (3). Vers 1453, le suaire est cédé au duc de Savoie contre monnaie sonnante et trébuchante. En 1532, le linge fut fortement endommagé lors de l'incendie de la chapelle de Chambéry. La Maison de Savoie gardera le linceul jusqu'en 1983 où elle sera confiée à la garde de l'Eglise. Depuis le XVIième siècle, le Suaire est conservé dans la cathédrale de Turin.
Le Suaire de Turin et la Science
En mai 1898, à l'occasion du 50ième anniversaire du Royaume d'Italie, le Suaire fut exposé aux yeux de tous dans la cathédrale San Giovanni à Turin. le Suaire fut photographié par un avocat, Seconda Pia. Le négatif photographique obtenu révélera de manière beaucoup plus nette l'image de l'homme du Suaire. La Science va dès lors prendre la relève de la foi dans la recherche de la vérité.
Deux ans après cette ostentation restée célèbre, un religieux, le chanoine Ulysse Chevalier, écrivit un livre très critique sur l'authenticité du Suaire (4). Un chrétien donc niait que le Suaire fut le véritable linceul du Christ. Il ne sera pas le seul.
Au XXième siècle, toutes sortes de travaux scientifiques plus ou moins sérieux furent consacrés au Suaire. On tenta d'expliquer la formation de l'image par divers procédés plus discutables les uns que les autres : phénomène électrique, action de rayons X, excès de vapeur,... En 1950, un médecin, le docteur Barbier, publia un livre fort intéressant : La Passion de Jésus-Christ selon le chirurgien.Il arriva à la conclusion que les blessures constatées sur l'image de l'homme du Suaire étaient identiques à celles subies par le Christ selon les Evangiles. Troublant. La même année se tint à Rome le premier congrès international de sindonologie.
En 1973, des tissus furent prélevés sur les zones de du linceul qui semblaient être tâchés de sang. Les chercheurs étaient membres du STURP (Shround of Turin Research Project-Projet de recherche sur le Suaire de Turin). Leurs analyses ne furent guèrent concluantes mais ils pensèrent avoir trouver des traces de sang humain sur le linceul.
Les années 70 furent dès plus agitée. Tout d'abord, deux chercheurs indépendants (et qui ne travaillaient pas pour la NASA comme on l'a trop vite dit) obtinrent par ordinateur une spectaculaire reconstitution en trois dimensions du visage de l'homme du Suaire. ils développèrent alors une audacieuse théorie qui frappa beaucoup les imaginations : l'image de Jésus aurait été imprimée sur le lin lors de la résurrection. Un flash d'origine surnaturelle (radioactive?) aurait marqué le tissu. Certains se souvinrent alors que lors de l'épisode biblique de la Transfiguration où Jésus fut entouré d'une éblouissante lumière blanche. Etait-ce le même phénomène qui eut lieu lors de la résurrection? D'autres chercheurs firent alors le lien avec l'effet Kirlian, un pseudo-procédé de photographie du corps énergétique de l'homme inventé par un scientifique russe. Le mariage entre parapsychologie et Suaire de Turin devenait officiel...
Mais la découverte la plus importante fut effectuée par le criminologue suisse Max Fréi qui avait effectué des prélévements sur le linge. Il y découvrit, selon ses dires, des traces de pollens provenant de Turquie, d'Italie, de France et de Palestine. La découverte de Monsieur Fréi fut brandie comme une preuve irréfutable de l'authenticité du Suaire. Cependant, il semblerait que Max Fréi ne possédait pas le matériel nécessaire ni les compétences adéquates pour arriver à ces conclusions. Des botanistes reprirent ses expériences et n'arrivèrent pas aux mêmes résultats. (5) C'est d'ailleurs le même Max Fréi qui se présentait comme expert en graphologie qui se porta garant des fameux carnets d'Hitler dont on sait aujourd'hui avec certitude qu'ils étaient faux.
En 1978, une trentaine de membres du STURP arrivèrent à Turin avec pluiseurs tonnes de matériel. Pendant plusieurs jours, avec l'accord de l'évêque de Turin, ils passèrent le précieux linge au crible et furent autorisés à prélever des échantillons pour analyses. La plupart des chercheurs conclurent à l'authenticité du Suaire. Un seul arriva à des conclusions contraires. Walter Mc Crone, micro-analyste spécialisé dans la détection de fausses oeuvres d'art déclara sans doute un peu à contre-coeur que "l'image entière était l'oeuvre d'un artiste". Le STURP refusa de publier les recherches de Mc Crone qui fut prié poliment de quitter l'organisation (6).
Le STURP organisà dès 1979 une impressionnante série de conférences de presse dont le but était de faire connaître leurs conclusions positives. Un livre événement sera également publié deux ans plus tard (7). L'un de ses auteurs se présentait comme le porte-parole officiel du STURP. Or, cet organisme n'avait d'aucune façon autorisé et approuvé cette publication. Les auteurs du livre furent même poursuivis en Justice par le STURP. Ambiance, ambiance...
La datation au carbone 14
La méthode de datation d'objets archéologiques la plus couramment utilisées par les spécialistes est celle dite du carbone 14. le principe de cette méthode s'appuie sur le fait que chaque matière organique contient une certaine quantité de carbone radioactif, le carbone 14. Quand la matière organique (animal, plante,...) cesse de vivre, sa teneur en carbone 14 décroît progressivement avec le temps. On peut alors dater les objets avec une précision assez grande.
On songeait depuis longtemps à effectuer sur le Suaire cette analyse capitale. L'Eglise la refusa toujours de manière compréhensible car il aurait fallu un morceau trop important de la relique (environ 400 cm²). De nouvelles techniques ont cependant permis de n'utiliser qu'un seul fil de quelques centimètres. En 1988, trois laboratoires neutres furent désignés pour effectuer ces analyses : l'Université d'Oxford, l'Institut Polytechnique de Zurich et l'Université d'Arizona à Tucson (Etats-Unis). Des échantillons de lin furent prélevés sur le Suaire. Ils furent purifiés et soumis au test du carbone 14. Les trois laboratoires rendirent un verdict identique : le linceul fut fabriqué entre 1260 et 1390. Le doute n'était plus possible : le Saint-Suaire était un faux fabriqué au Moyen-Age. Il n'avait donc jamais pu servir à conserver le corps de Jésus. Les résultats furent rendus publics par l'archévêque de Turin qui s'inclina devant le verdict sans appel de la Science. Un des plus chauds partisans de 'authenticité du Suaire, Jacques Evin, directeur du laboratoire de radiocarbone de l'Université de Lyon et membre de l'association pro-suaire Montre-nous ton Visage, fut on ne peut plus formel : "On ne peut pas discuter la datation au carbone 14, le Suaire est un faux".
On croyait dès lors que le débat sur le Suaire de Turin était définitivement clos. C'était mal connaître la pugnacité de certains sindonologues qui ne s'avouèrent pas si facilement vaincus. deux chercheurs italiens avancèrent l'hypotèse audacieuse que la chaleur à laquelle fut exposé le Suaire durant l'incendie de 1532 aurait pu modifier considérablement la teneur en carbone 14 du lin. Le problème est que ces deux chercheurs n'essayèrent même pas d'étayer leur théorie par des expériences scientifiques rigoureuses. (8)D'autres chercheur remettront en cause l'infaillibilité même de la méthode du carbone 14. il est vrai que cette méthode n'est pas fiable à 100% mais sa marge d'erreur ne peut pas dépasser quelques dizaines d'années sur une période aussi courte (mille ou deux mille ans). Une erreur de plus de 1200 ans semblenttout à fait impossible surtout que les tests ont été réalisés par trois laboratoires différents. Le débat était brièvement relancé mais le coup fut dur pour le STURP qui attendait monts et merveilles de la datation au carbone 14. Le STURP se fit alors beaucoup plus discret. mais d'autres prirent la relève de manière plus énergique. On laissa entendre ici et là que les expertises au carbone 14 aurait été truquées de manière délibérées et certaines personnes évoquèrent même un complot judéo-maçonnique destiné à destabiliser le catholicisme.
A la tête de de ce nouveau mouvement "suairiste" se trouve un organisme basé à Paris, le CIELT (Centre international d'Etude sur le Linceul de Turin), proche de certains milieux traditionalistes catholiques. Le but de cet organisme est très clair : faire connaître le linceul au public et prouver son authenticité. Ses membres encouragent dès lors toutes les recherches sur le Suaire, organisent des conférences de presse et des expositions (comme j'ai pu le constater dans une célèbre abbaye provencale durant l'été 2001), publient des livres (9). Le CIELT est même parvenu à retourner l'opinion publique en intoxiquant des journaux sérieux (Le Soir, Le Figaro,...) et même des revues prestigieuses (Science et Avenir, Historia,...).
Le Suaire de Turin est-il le véritable linceul du Christ?
Devant le Saint-Suaire, on ne peut qu'adopter deux positions : ou bien le Suaire est l'oeuvre d'un artiste génial du Moyen Age ou bien il s'agit de l'empreinte miraculeuse d'un homme crucifié qui ne peut être que Jésus-Christ. Ces deux positions sont évidemment complètement antagonistes et il ne semble pas avoir de voie médiane. Il semble cependant difficile à croire malgré les recherches du STURP et du CIELT que cette relique soit authentique. C'est une possibilité troublante mais les recherches historiques, archéologiques, bibliques et chimico-physiques semblent, pour l'instant, démontrer que le Suaire est une oeuvre d'art du Moyen Age. Voici pourquoi :
1. Les Evangiles (pas plus que les Actes des Apôtres) ne mentionnent l'existence d'un linceul sur lequel aurait été imprimé l'empreinte du Christ.
2. Il n'existe absolument aucune trace écrite valable prouvant l'existence du Suaire avant le XIVième siècle.
3. Aucun pape, aucun évêque, aucun haut dignitaire de l'Eglise n'a jamais fait mention du Suaire avant cette date.
4. Devant cette évidence, les sindonologues ont lancé "l'hypothèse iconographique". Ils ont recherché depuis le début de l'ère chrétienne les diverses représentations du Christ (icônes, peintures,...). Ils ont remarqué que certaines de ces représentations ressemblaient au Suaire, preuve que les artistes auraient copié l'image du Suaire. Mais il était commun de représenter le Christ de la même façon : barbu et majestueux. Qui donc était le premier : l'oeuf ou la poule?
5. Le visage de l'homme du Suaire n'est pas du tout sémitique. C'est un icône de type slavo-byzantine marqué.
6. Les sindonologues affirment encore que l'impression de l'image sur le lin ne peut être l'oeuvre d'un humain. Or, des chercheurs sceptiques tels le physicien Henri Broch (10) sont parvenus à reproduire des Saint-Suaires en utilisant une technique de frottement sur bas-relief. D'ailleurs, on a retrouvé des traces d'oxyde de fer et de pigments sur le Suaire de Turin.
7. Les datations au carbone 14 sont inattaquables. Prétendre le contraire est faire preuve d'une grande mauvaise foi.
8. Les recherches scientifiques des sindonologues sur le Suaire (analyse de pollens, de sang, traces écrites sur le Suaire,...) ne sont pas crédibles car trop orientées dès le départ par des à-prioris favorables à l'authenticité.
9. Le Vatican, pourtant toujours prompt à reconnaître certains miracles tels les apparitions de la Vierge à Fatima ou à Lourdes, n'a jamais reconnu le Saint-Suaire comme le véritable linceul de Jésus. Un tel silence est éloquent.

Ceux qui désireraient obtenir plus d'informations critiques sur le Suaire peuvent toujours consulter le seul livre critique récent en français sur le Suaire de Turin. (11)
Ces arguments feront certainement bondir les partisans du Suaire. Mais qui donc ces saintsThomas de la sindonologie? Les chrétiens (et je suis de ceux-là, étonnez-vous!) n'ont absolument pas besoin de preuves et de Suaire de Turin pour avoir la foi. L'intérêt que l'on peut lui porter est légitime mais il finit par ressembler à une détestable forme de superstition.
Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu!


(1) Carnac Pierre : Le Suaire de Turin, Alain Lefeuvre, Nice, 1979
(2) Wilson Iann, le Suaire de Turin, Albin Michel, Paris 1978
(3) Nouvelles Brèves, numéro 62, décembre 1996
(4) Chevalier Ulysse, Etude critique sur l'origine du Saint-Suaire de Lireu-Chambéry-Turin, Paris, 1900
(5) Science et Vie, n°886, juillet 1991
(6) Science et Vie, n°783, décembre 1982
(7) Stevensson Ken et Habermas Gary, La Vérité sur le Suaire de Turin, Fayard, Paris, 1981
(8) Petrosillo et Marinelli, Le SuaireUne énigme à l'épreuve de la Science, Fayard, Paris, 1991
(9) Raffard de Brienne Daniel, Enquête sur le Saint-Suaire, Editions Claire-Vigne, Paris, 1996
(10) Broch Henri, Le paranormal, Seuil, Paris 1985
(11) Blanrue Paul-Eric, Miracle ou Imposture? L'Histoire interdite du Suaire de Turin, Golias-EPO, 1999




hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Zetetique - Suaire une imposture


Pourquoi le « suaire » de Turin est une imposture

Vous pouvez réagir à ce dossier dans son forum en ligne associé.

Paul-Éric Blanrue est l'auteur de Miracle ou Imposture ? L’histoire interdite du « suaire » de Turin, EPO/Golias, 1999

Le « suaire » de Turin est un drap de lin rectangulaire de 4,30 m x 1,08 m, tissé en chevron, sur laquelle on distingue la double effigie brunâtre d'un homme en pied, entièrement nu. Les images ventrale et dorsale de cet homme, disposées tête contre tête, portent des traces évoquant les blessures de la Passion du Christ. La silhouette est estompée et sans contour, ce qui lui donne un aspect spectral qui étonne les observateurs. Des taches carmin ayant l’apparence du sang se remarquent aux emplacements des « blessures ».
Depuis 1694, la relique est en temps normal conservée dans la chapelle royale contiguë à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. Elle a longtemps appartenu aux chefs de la maison de Savoie, avant de devenir propriété du Saint Siège, en 1983, par legs du roi exilé Humbert II d’Italie.
Un siècle de sindonologie
Pour ses partisans, le « suaire » est la relique « la plus insigne de la chrétienté », car elle contient l’empreinte et le sang du Christ. Le Fils de Dieu y a été enveloppé après sa Crucifixion, pour être porté au Sépulcre. Comme les corps des cadavres ne s'impriment pas ainsi sur le tissu qui les enveloppe, l’image du « suaire » est inexplicable. Selon l’archevêque de Turin, gardien de la relique, c’est un « objet impossible ». Pour beaucoup de catholiques, la mystérieuse image portée par l’étoffe est la « preuve physico-chimique » de la Résurrection.
Le « suaire » de Turin a été exposé six fois au cours du XXe siècle : en 1931, 1933, 1973, 1978, 1998 et lors du Grand Jubilé de l’an 2000. A chaque reprise - sauf en 1973, qui ne fut qu’une ostension télévisée - des centaines de milliers de fidèles catholiques se sont déplacés pour le vénérer.
Les papes du XXe siècle ont constamment encouragé cette dévotion. En 1953, Pie XII évoque « le saint Linceul qui, pour notre émotion et notre réconfort, nous montre l’image du corps inanimé et du visage divinanéanti de Jésus ». En 1959, Jean XXIII déclare qu’il y voit le « doigt de Dieu ». En 1973, Paul VI médite sur « son mystère caché et fascinant ». En 1980, Jean-Paul II se rend à Turin, où il baise « la Relique la plus splendide de la Passion et de la Résurrection. » ; pour l’ostension de 1998, il s’y est déplacé à nouveau pour prier auprès de « l’un des signes les plus bouleversants de l’amour dans la souffrance du Rédempteur », etc.
Contrairement à la plupart des autres reliques catholiques, le « suaire » fait l’objet depuis près de 50 ans de recherches scientifiques et historiques. Il existe une discipline qui s’attache exclusivement à son étude : la sindonologie (du grec, sindon, linceul), qui mêle histoire, archéologie, étude du textile, physique, chimie, numismatique, palynologie, photographie, etc. Elle n’est toutefois pas reconnue par la Faculté (au motif premier qu’une science ne se restreint pas à un seul objet) et reste le fait des avocats de la relique.
L’attention du monde catholique et des chercheurs s’est éveillée en 1898, lorsque l’avocat Secondo Pia prit les premières photographies de la relique. Sur son négatif, le chevalier Pia remarqua que c’est l’image positive du corps du Christ qui se dégage du fond de la toile, devenue sombre, et non l’image inversée traditionnelle. Alors que sur l’original on ne voit qu’une silhouette assez vague, on distingue sur le négatif des détails insoupçonnés qui rendent le Christ étonnamment présent. N’est-ce pas précisément grâce au négatif que les empreintes floues de la relique sont rendues compréhensibles à notre regard ? Si tel est le cas, comment le « suaire » peut-il être un faux, puisque le principe de la photographie n’est connu que depuis le XIXe siècle ? Ce sont là, en tout cas, les premières questions que se posent les premiers sindonologues.
La propriété négative du « suaire » fascina les croyants, relança une dévotion perdue depuis le XVIIIe siècle et propulsa la relique dans le « siècle de la science ».
Les proto-sindonologues s’occupèrent surtout de glaner des témoignages historiques en faveur de la relique. Le Français Pierre Vignon fit une comparaison entre les portraits des christs byzantins et remarqua des signes communs qui lui semblèrent accréditer l’histoire ancienne du « suaire ». Mais ce n’est qu’en 1950 que se tint le premier congrès international d’études à prétentions scientifiques consacrées au « saint suaire ». L’aspect médical du « crucifié » y fut abordé, avec en point d’orgue la prestation du Dr. Barbet, chirurgien de l’hôpital Saint-Joseph de Paris.
A l’en croire, le Dr Barbet avaient fait deux découvertes révolutionnaires. Il avait d’abord observé que les clous de l’homme de « suaire » n’étaient pas fichés dans les paumes des mains, à l’endroit où les artistes médiévaux avaient coutume de les représenter, mais « dans les poignets ». Il avait conduit des expériences sur des cadavres qui, disait-il, avaient démontré que lorsque l’on plante des clous dans les paumes d’un homme en croix, la peau des mains se déchire sous la traction du corps jusqu’à la commissure. Si on les plante au contraire dans « l’espace de Destot » - un espace libre limité par le grand os, le semilunaire, le pyramidal et l’os crochu, c’est-à-dire là où Barbet voyait la plaie sur le « suaire » - le clou lésait le nerf médian et avait pour résultat la contraction réflexe des muscles thénariens, faisant fléchir le pouce contre la paume de la main. Or, selon Barbet, on ne voyait justement que quatre doigts sur les deux mains de « l’homme du suaire »... Comment un artiste quelconque aurait-il pu avoir l’idée de représenter ces détails anatomiques ? N’était-ce pas la preuve, par l’observation médicale, que le « suaire » avait bien contenu le corps d’un homme ?
Les observations de Barbet relancèrent les recherches. Ce n’est toutefois qu’en 1969 qu’une commission (secrète) put approcher le « suaire ». Les « savants » de cette commission furent désignés par le cardinal Michele Pellegrino, archevêque de Turin, avec l’aval du pape Paul VI. Ils examinèrent le « suaire » aux rayons ultraviolets et infrarouges - mais ne rendirent aucune conclusion définitive…
En 1973, les membres d’une nouvelle commission (toujours secrète…) eurent le droit de mener des investigations plus poussées. Ils purent prélever des pollens et deux petits échantillons de tissu. La conclusion de cette commission ne fut publiée qu’en 1976. Elle était assez nuancée, mais on en retint que le « suaire » n’était pas une peinture.
Dans les années qui suivirent, le criminologue suisse Max Frei fit beaucoup parler de lui. Frei affirmait que l’étude des pollens disséminés sur l’étoffe démontraient que le « suaire » avait séjourné aux abords de Jérusalem. Le journaliste anglais Ian Wilson, président de la British Society for the Turin Shroud, lui emboîta le pas et rédigea Le suaire de Turin, qui devint un best-seller mondial.
C’est en 1978, sous l’égide du S.T.U.R.P, qu’eut lieu l’examen scientifique le plus médiatisé de la relique. Les Drs Jackson et Jumper, capitaines de l’armée de l’Air américaine, furent les leaders de l’opération. Ils avaient démontré l’année précédente que le « suaire » contient une information tridimensionnelle, c’est-à-dire que l’intensité de son image variait en raison inverse de la distance qui sépare la toile du cadavre qu’elle est censée avoir enveloppé. Comme un portrait classique est bi-dimensionnel, leur découverte semblait démontrer que le « suaire » ne pouvait être une oeuvre humaine.
Le S.T.U.R.P. se composait d’une quarantaine de membres, dont une grande partie se déplaça à Turin avec 6 tonnes de matériel sophistiqué. Du 9 au 13 octobre 1978, l’équipe prit des photographies et des microphotographies de la relique. Elle en effectua une radiographie complète, l’examina aux rayons infrarouges, sous éclairage ultraviolet, préleva des échantillons de poussières et de molécules. Mais elle ne fit aucun prélèvement de tissu car les propriétaires ne le permettaient pas.
Le 18 avril 1981, le S.T.U.R.P. rendit public ses conclusions. Pour l’organisation sindonologique, il y avait bien du sang sur la relique et l’image résultait d’un procédé mystérieux excluant la peinture. Les articles scientifiques supportant ses conclusions furent publiées les années suivantes.
Parmi ces études, ce sont celles des Drs John Heller et Alan Adler qui rencontrèrent le plus grand succès médiatique. Dans leur premier article, Heller et Adler indiquèrent que leur échantillon contenait de la porphyrine. Comme la porphyrine est un pigment entrant dans la synthèse de l’hémoglobine, ils en conclurent qu’ils tenaient une « preuve positive par présomption » ( ?) de la présence de sang sur le « suaire ». Dans leur second article, ils rapportèrent avoir trouvé de la bilirubine (un pigment biliaire) et détecté la présence de protéine et plus particulièrement de l’albumine (une variété de protéine simple existant dans le sérum sanguin). La mise en évidence de ces composants du sang semblait confirmer la présence de sang sur la relique.
Les milieux catholiques furent très émus en apprenant cette information. Pour eux, le sang du Christ est au centre de la messe (l’Eucharistie) et au cœur du plus étrange mystère chrétien (le sang versé par le Christ pour le rachat des péchés de l’humanité). Le « suaire » devenait donc un objet doublement sacré.
C’est en se fondant sur ces observations que les associations sindonologiques engagèrent une nouvelle croisade en faveur de l’authenticité de la relique. Pour elles, la science du XXe siècle démontre sans l’ombre d’un doute que le « suaire » est le véritable linceul du Sépulcre. De nombreux médias relayent aujourd’hui encore leurs campagnes et des milliers de livres propagent ces informations.
Des résultats… non significatifs
En réalité, les résultats proclamés sont loin, très loin, d’être aussi concluants qu’ils le paraissent. Ils sont même radicalement contredits par des analyses plus fines qui ont, elles aussi, été réalisées sur la relique.
D’abord, point primordial, l’image du « suaire » n’est pas un négatif photographique, contrairement à ce que prétendent les sindonologues. Il suffit pour s’en convaincre de regarder les « taches de sang » qui, de couleur foncée sur l’image du « suaire », « deviennent blanches sur une image inversée » (Henri Broch). Sur l’original, ces taches se présentent sous leur aspect normal et ne deviennent vraiment négatives que lorsqu’on les observe sur un négatif photographique.
L’image du corps, étudiée isolément, n’offre pas non plus de propriété photographique. Le photographe James Burke, a ainsi démontré qu’il y a « des espaces en blanc entourant les diverses formes imprimées (par exemple, le nez, les joues, etc.) dans les contours de la silhouette » qui ne correspondent pas à ce que l’on observe dans les photographies habituelles. De plus, « la barbe est d’un ton opposé à celui que nous pourrions attendre (foncé sur le « négatif » original imprimé) ». Si le suaire était bien un négatif photographique, il faudrait donc en conclure que « Jésus était un vieil homme à la barbe blanche », ce qui serait une révolution exégétique en même temps qu’un pis-aller sindonologique.
Bref, le « suaire » se comporte comme un négatif, mais comme un négatif non photographique. Ce type de négatif est si ancien qu’on le retrouve dans l’art pariétal et les « mains négatives » retrouvées dans des grottes datant du paléolithique nous en livrent en parfait exemple.
Par ailleurs - et malgré ce qui est répété dans tous les congrès de sindonologie - la plaie dans la main ne se situe pas à l’endroit déterminé par Barbet, c’est-à-dire au niveau du poignet, mais au contraire dans la paume de la main. En 1534, à l’occasion du raccommodage faisant suite à l’incendie qui avait en partie endommagé le « suaire », les sœurs clarisses de Chambéry l’avaient d’ailleurs noté, puisqu’elles écrivirent dans leur rapport : « Les ouvertures des clous sont au milieu des mains longues et belles, d’où serpentent un ruisseau de sang depuis les côtes jusqu’aux épaules. »
Le Dr Zugibe fait de nos jours remarquer que « si le nerf médian était blessé, causant une stimulation mécanique comme le proclame Barbet, cela ne pourrait entraîner le pouce à l’intérieur de la paume de la main ». Le Dr. Ernest Lampe, l’un des plus grands chirurgiens de la main au monde, rapporte ainsi que lorsqu’il y a rupture du nerf médian « il y a incapacité à fléchir le pouce, l’index et le médium », ce qui ruine définitivement la théorie de Barbet.
Les pouces manquants s’expliquent simplement par leur position naturelle dans la mort : en face et légèrement sur le côté de l’index. Une telle caractéristique ne signifie pas, bien sûr, que le « suaire » ait enveloppé un véritable cadavre, puisque elle est présente sur de nombreuses oeuvres artistiques comme le Pavement de Toulouse, conservé au Louvre.
Les reconstitutions de Barbet démontrant l’impossibilité de suspendre un cadavre en plantant un clou dans la paume de ses mains ont elles aussi été infirmées à plusieurs reprises. Une thèse de doctorat a notamment fourni l’exemple d’un cadavre crucifié par les paumes.
Ce qui est plus gênant pour l’authenticité de la relique, c’est que celle-ci comporte des erreurs anatomiques patentes comme les doigts démesurément longs et le bras droit beaucoup plus long que le gauche, qui, lorsqu’on le déplie, arrive d’ailleurs à la hauteur du genou du Christ, ce qui lui confère une allure simiesque très étonnante…
L’étude des pollens est un cas à part. Les sindonologues du S.T.U.R.P ont pour leur part rejeté l’argument de Max Frei, au motif que les pollens peuvent être transportés par les vents et se retrouver sur n’importe quelle étoffe sans rien indiquer sur sa provenance. Mais pour le micropaléontologue Steven Shafersman, Frei ne fut pas un chercheur incompétent mais un « fraudeur ». Son argumentation est convaincante. Contrairement au S.T.U.R.P, Shafersman remarque en effet qu’il est exceptionnel que le vent transporte les pollens sur d’aussi longues distances, car en général ceux-ci retombent dans le voisinage immédiat de leurs plantes. Il serait donc particulièrement surprenant que 33 espèces de pollens du Moyen Orient (chiffres donné par Frei) aient été transportées par le vent pour se concentrer sur une même étoffe. A moins de prétendre qu’il s’agit de pollens à tête chercheuse, une telle concentration est hautement improbable.
Shafersman s’est également aperçu que sur les illustrations que Frei projetait à son public « chaque espèce de pollens était représenté par quatre ou cinq spécimens parfaitement conservés, comme s’ils étaient neufs ». Bien que partisan du « suaire », le moine traditionaliste Bonnet-Eymard s’est lui aussi rendu compte de cette étrangeté... jusqu’à ce que Max Frei lui concède que les photographies qu’il présentait lors de ses réunions n’étaient que des pollens de référence. Comment appeler autrement que « fraude » de telles méthodes ?
Il faut enfin signaler qu’à sa mort (1983), Frei n’avait pas publié ses résultats dans une revue scientifique
L’information tridimensionnelle du « suaire » est-elle au moins assurée ? En partie, oui. Mais il est faux de déclarer qu’elle prouve que le « suaire » a enveloppé un corps humain.
Pour démontrer que le « suaire » comporte une telle propriété, les sindonologues ont reporté les détails de l’image sur une toile taillée aux dimensions du « suaire », dont ils ont recouvert un de leur collègue officier. Ils ont mesuré sur ce drap les distances corps-tissu et les ont ensuite comparées aux différences de densité relevées sur le «suaire ». Puis, le Dr Jackson a demandé aux laboratoires Sandia de passer l’image du « suaire » dans un analyseur d’images VP-8, un appareil qui présente la particularité de traduire l’intensité lumineuse en termes de distance.
Or lorsque les sindonologues ont mesuré l’intensité de l’image du « suaire », ils ont obtenu une image de qualité plate qui ne correspond pas au relief d’un corps humain,mais à celui d’un simple bas-relief. Comme ils n’étaient pas satisfaits de cette image, ils ont donc décidé d’en modifier le plan de référence. Et cette modification, qui implique des ajouts multiples, correspond exactement à l’image d’un corps. Comme le note le Pr Broch : « les sindonologues ont donc introduit dans leur appareil de mesure le corps qu’ils voulaient trouver à la sortie (...) Les données ont été trafiquées ».
L’étude hématologique accomplie par les sindonologues présente un autre genre « d’erreur ». Car cette fois, les chercheurs n’ont pas tenu compte de l’ensemble des données du dossier et n’ont pas non plus réalisé les analyses qui s’imposaient.
La commission réunie en 1973 à Turin a été la première à mener des expériences sur ce point précis. Le laboratoire du Pr Frache, directeur de l’Institut de médecine légale de l’Université de Modène, reçut à l’époque dix échantillons de fils prélevés sur les « taches de sang ». Les chercheurs procédèrent à des tests destinés à mettre en évidence la présence de sang. Ils firent d’abord le test de la fluorescence UV : l’examen se révéla négatif. Ils poursuivirent avec le test de la benzidine : là encore, aucune réaction. Ils firent enfin à des tests destinés à mettre en évidence de très petites quantité de sang, tel que la microspectrophotométrie. Ceux-ci furent à nouveau négatifs.
De fait, tous les résultats furent négatifs.
Or dans leurs deux études, les Drs Heller et Adler, qui n’étaient ni l’un ni l’autre spécialisés dans la chimie du sang, ont omis de conduire des tests spécifiques pour la présence de sang. La porphyrine, la bilirubine, les protéines et l’albumine qu’ils ont mises en évidence ne se trouvent pas seulement dans le sang : on les trouve dans de nombreuses autres substances, comme, par exemple, celles qui servent de liant à une peinture… Leurs analyses ne sont donc absolument pas significatives.
L’examen scientifique du « suaire »
En vérité, la thèse de l’authenticité du « suaire » a été définitivement battue en brèche par deux séries d’analyses qui satisfont aux critères de sérieux et d’objectivité.
La première d’entre elles est celle du défunt Dr Walter McCrone, directeur du McCrone Research Institute, un laboratoire spécialisé dans la détection scientifique des faux en art. Le sindonologue Ian Wilson a écrit (avant les analyses…) que ce laboratoire était « peut-être le lieu du monde où l’on peut extraire un maximum d’informations de l’échantillon le plus infime qui soit ». L’équipe du Dr. McCrone s’est ainsi illustrée dans la détection de nombreux faux (de Vinci, Turner, Picasso, etc.), ainsi que de la carte du Vinland », qui a défrayé la chronique dans les années 70.


Particules d'ocre rouge sur une fibre de lin prélevée sur le « suaire », sur une zone de « sang » (x300 env.)


Agrandissement d'une fibre provenant d'une zone de « sang » sur le suaire.
Les particules d'ocre rouge y sont très nettement visible (x1000 env.)
Les chercheurs de la commission de 1973 ayant noté sur l’image du « suaire » la présence de granules rouges qu’ils n’étaient pas parvenus à identifier, c’est à cette identification que s’employa justement le Dr McCrone.
En tant que membre du S.T.U.R.P., il reçut, après les examens d’octobre 1978, une série de 32 échantillons prélevés à l’aide d’un ruban adhésif spécial : 14 provenaient de zones sans image (zones-témoins), 12 de l’image du corps; 6 des zones du « sang ». McCrone les étudia au microscope à lumière polarisée.
Il s’aperçut que dix-huit de ces échantillons présentaient une quantité significative d’un très pur oxyde de fer, utilisé depuis les temps préhistoriques comme pigment de peinture. Une étude en aveugle de ces 32 échantillons démontra en revanche qu’aucun des échantillons de contrôle (ceux sans image) ne contenait de telles particules.
Les particules de pigments d’oxyde de fer (Fe2 O3) collaient aux fibres, comme si elles étaient en suspension dans un médium. Elles étaient d’autre part identiques à l’ocre rouge, un pigment très courant au moyen âge.
McCrone découvrit encore que les fibres des zones à image étaient faiblement teintes en jaune. Avec une collègue, il examina « plus de 8 000 fibres des zones à images et sans image» et trouva que « les zones à image avaient beaucoup plus de fibres teintes (30-72% des fibres) que le contrôle sans image ou les échantillons d’image faible (10-26%). » Cette découverte accréditait la thèse d’un médium ayant jauni avec le temps.
McCrone utilisa alors une technique de rehaussement des contrastes, qui lui confirma que la dispersion des pigments correspondait à la présence d’un liant. Procédant à divers tests, il fut capable de préciser qu’il s’agissait d’une détrempe composée à partir de collagène animal, un produit à base de peaux d’animaux, de muscles, d’os, etc. Comme seules les fibres jaunes et/ou à pigments réagirent positivement, c’était le signe que ce liant était absent des zones témoins et correspondait à l’emplacement des pigments d’ocre rouge.
Conclusion du Dr. McCrone : « l’image entière a été appliquée sur le linge par un artiste très habile et bien informé ». L’artiste avait utilisé un pigment d’oxyde de fer associé à un médium à base de collagène.
Avec son équipe, McCrone mena des analyses complémentaires. Grâce au microscope électronique à balayage et à la microsonde électronique (electron mirocprobe), ils déterminèrent qu’un pigment particulier correspondait au « sang », en s’ajoutant à l’ocre rouge : le vermillon, également appelé cinabre, un pigment également courant au moyen âge.
Le S.T.U.R.P n’apprécia pas ces conclusions qui remettaient en cause le travail de près d’un siècle de sindonologie. Au printemps 1980, McCrone fut prié de rendre ses échantillons. En juin, se voyant dans l’incapacité de produire de nouveaux travaux, il envoya une lettre de démission à John Jackson. Seul le Rév. David Sox, sindonologue anglican, accepta son verdict et se rangea à ses côtés.
Les sindonologues cherchèrent des échappatoires, mais ne parvinrent jamais à réfuter la découverte fondamentale de McCrone : la mise en évidence de la présence de pigments d’oxyde de fer sur les zones à image et son absence sur les zones vierges.

L’ordalie du C14
Dès qu’il commença son étude sur le « suaire », le Dr. McCrone demanda que l’on fasse passer à la relique le test de datation au C14. Au milieu des années 70, le pasteur Sox se chargea de contacter le Pr. Gove, co-inventeur de la spectrométrie de masse par accélérateur, une technique nouvelle de datation C14 qui consiste à séparer les ions C14 des C12, pour déterminer le rapport des deux isotopies.
Longtemps les autorités ecclésiastiques firent valoir qu’il n’était pas envisageable de détruire la relique pour procéder à de telles analyses. Mais l’idée suivit son chemin.
En 1983, une opération d’intercomparaison avec l’ancienne technique des petits compteurs à gaz et la technique des accélérateurs démontra que la datation au C14 était fiable. Les échantillons nécessaires pour une datation étant infimes, les dernières réticences de l’Église tombèrent.
En octobre 1986, un accord de protocole fut établi entre les représentants de sept laboratoires. Le 10 octobre 1987, l’archevêque de Turin, agissant pour le compte du Saint Siège, désigna trois d’entre eux : ceux d’Arizona, d’Oxford, et de Zurich. Tous trois utilisaient la technique des accélérateurs. Le British Museum fut choisi comme garant de la datation.


C’est le 21 avril 1988 qu’eut lieu la prise d’échantillon. L’Italien Riggi, du S.T.U.R.P, tailla un échantillon de tissu à côté de l’endroit où l’on avait déjà prélevé des échantillons en 1973, en bas et à gauche de l’empreinte ventrale. Cet emplacement était volontairement éloigné « de tout rapiéçage ou de toute zone carbonisée », comme le souligne le rapport publié dans la revue scientifique Nature.
L’échantillon fut divisé en trois parties équivalentes, d’environ 50 mg chacune. Riggi découpa de la même façon les deux échantillons de contrôle apportés par le Dr. Tite, du British Museum. Testore, l’expert textile, les pesa. Les neuf fragments furent ensuite introduits dans neuf récipients d’acier inoxydable. Les tubes furent scellés, numérotés, puis remis aux trois laboratoires. Le second expert textile, Gabriel Vial, remit à Tite un échantillon de contrôle supplémentaire. Cet excédent fut également remis aux laboratoires. Toute l’opération fut photographiée et prise en vidéo.
Dans les différents laboratoires, les échantillons furent soumis à des procédures de nettoyage. Ensuite les analyses furent exécutées. Lorsque les mesures furent achevées, les laboratoires les envoyèrent au British Museum, chargé d’en faire l’analyse statistique.
Les résultats obtenus pour les trois échantillons de contrôle s’accordèrent avec leurs dates historiques connues. Pour le lin du « suaire », ces résultats aboutirent « à une plage d’âge calendaire calibrée, pour un intervalle de confiance d’au moins 95%, de 1260-1390 ». Conclusion : « Ces résultats conduisent donc à conclure d’une manière décisive que le lin du Suaire de Turin est médiéval. »


Détail du « suaire » après découpage du fragment ayant servi à l'analyse radiocarbone

Le 13 octobre 1988, le cardinal Ballestrero, custode pontifical du « suaire », rendit public les résultats des laboratoires. Il déclara que le « suaire » de Turin n’était plus considéré par l’Église comme une relique insigne, mais seulement comme une « vénérable icône du Christ ».
Les sindonologues ont tenté de réfuter ses résultats par tous les moyens possibles. Le moine intégriste Bonnet-Eymard a évoqué un « complot maçonnique », mais a peu été suivi par ses collègues... La thèse majoritaire du camp des sindonologues prétend aujourd’hui qu’une contamination due à des bactéries et des champignons a rajeuni le lin. Le Pr. Broch a démontré que cet argument ne vaut rien, car « si l'on suppose que la "contamination" a eu lieu vers l'an 1800, alors la masse de carbone contaminant vaut 2,7 fois celle du suaire » et « si l'on suppose que la "contamination" a eu lieu vers l'an 1500, alors la masse de carbone contaminant est égale à plus de 8 fois celle du suaire. » A ce compte-là, il faudrait considérer que c’est le lin qui a pollué les « polluants »…
Il ne reste plus aux sindonologues que la thèse du « flash de la Résurrection », une libération d’énergie émanant du cadavre du Christ qui aurait brouillé les mesures. Ne pouvant être testée, cette thèse extravagante a l’avenir pour elle. Mais elle se situe tout à fait en dehors du champ de la science et n’est qu’une tentative désespérée pour sauver les (dernières) apparences.
En réalité, aucun spécialiste de la technique radiocarbone n’a remis en cause les résultats des laboratoires. Le Pr Hall, du laboratoire d’Oxford, considère que ceux qui le feraient peuvent s’allier avec « les partisans de la Terre plate ».
Le « suaire » aux prises avec l’histoire
Les historiens n’ont toutefois pas attendu les résultats de l’analyse radiocarbone pour attribuer au « suaire » une date médiévale.
Au début du XXe siècle, le chanoine Ulysse Chevalier a exhumé des archives des textes prouvant déjà que la relique était une peinture du XIVe siècle. De ses études, il ressort ceci.
En 1353,une église collégiale fut fondée à Lirey, près de Troyes, en Champagne, par le sire Geoffroy Ier de Charny, seigneur de Lirey, Savoisy et Monfort. Le chroniqueur Froissart dit de lui qu’il était « le plus prud’homme et le plus vaillant » des chevaliers.
La collégiale, établie sous le vocable de l’Annonciation, était une construction de bois, d’une architecture assez pauvre. La communauté comptait six chanoines prébendés. Peu de temps après sa fondation, un « suaire » du Christ, portant la double effigie, de face et de dos du Christ, avec les stigmates de la Passion, y fit son apparition et fut présenté aux foules.
Robert de Caillac, doyen de la collégiale, faisait courir le bruit que ce linge était le suaire avec lequel Jésus avait été enveloppé au Sépulcre. Des « miracles » avaient lieu pendant les ostensions… Mais les conseillers de Mgr Henri de Poitiers, l’évêque de Troyes, trouvèrent étrange l’apparition subite de ce « suaire » et apprirent que des individus soudoyés simulaient la guérison, dans le seul but d’extorquer l’argent des pèlerins. L’évêque commanda une enquête et ses résultats furent totalement négatifs pour la relique.
Selon les termes de l’un de ses successeurs, Mgr Pierre d’Arcis, Mgr Henri de Poitiers « découvrit la fraude et la façon dont ce fameux linge avait été peint par un procédé artistique; il fut prouvé par l’artiste qui l’a peint, que c’était une oeuvre due à la main de l’homme et non miraculeusement confectionnée ou octroyée. »
Comme saint Augustin, Mgr Henri de Poitiers ne tolérait pas les manifestations excessives auxquelles donnaient lieu les fausses reliques. Il engagea une procédure contre le doyen et ses complices. Mais, comme le rapporte toujours Pierre d’Arcis, « ceux-ci virent leur ruse découverte et cachèrent ailleurs ledit linge afin qu’il échappât aux recherches de l’ordinaire. ». Le « suaire » fut mis à l’abri pendant quelques décennies.
Et en 1389 tout recommença. Poussé par le doyen de la collégiale, Geoffroy II de Charny, fils du fondateur de la collégiale, se rendit auprès du légat de Clément VII dans la région, pour lui demander l’autorisation d’exposer à nouveau la relique dans l’église de Lirey, omettant de lui rappeler l’expérience malheureuse de jadis. Mal informé, le cardinal lui concéda un indult.
Mgr d’Arcis se rendit compte du subterfuge. Il s’aperçut de plus que « si l’on ne dit pas en public qu’il s’agit du véritable Suaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est néanmoins annoncé et répété partout en privé et beaucoup le croient, d’autant plus (...) qu’il fut un temps où on le présentait comme le vrai suaire du Christ ».
Les foules accoururent à nouveau et Mgr Pierre d’Arcis prit l’initiative d’interdire au doyen d’exposer le linge devant le peuple « sous peine d’excommunication ». Le doyen fit appel au pape d’Avignon ClémentVII. Le 28 juillet, le pape adressa une lettre au seigneur de Lirey, par laquelle il confirmait l’indult de son légat. Il imposait également à Pierre d’Arcis un « silence perpétuel » sur la question. Cependant, Clément VII ne parlait de la relique qu’en terme de « figure ou représentation du suaire de Notre-Seigneur Jésus Christ », ne s’engageant pas sur son authenticité.
Le 4 août, alerté par Pierre d’Arcis, le roi de France Charles VI dépêcha le bailli de Troyes signifier aux chanoines qu’ils devaient lui livrer leur « suaire » sur-le-champ. Ceux-ci refusèrent avec obstination. La seule chance, pour l’évêque de Troyes, d’obtenir gain de cause, était désormais d’en appeler au Souverain Pontife. Pierre d’Arcis fit donc rédiger un long Mémoire pour expliquer à Clément VII les raisons qui le poussaient à interdire les ostensions. Il lui signala l’enquête menée par Henri de Poitiers, qui avait obtenu l’aveu du faussaire. Le Mémoire fut envoyé au pape à la fin de l’année 1389.
En réponse, Clément VII promulgua trois bulles, datées du 6 janvier 1390.
L’une d’entre elle stipulait que le Siège Apostolique modifiait les concessions accordées naguère à la collégiale. Les termes employés étaient explicites :
« Nous donc, dans le souci de porter un remède approprié à la pratique des ostensions et d’en écarter tout danger d’erreur ou d’idolâtrie, nous voulons et, en vertu de notre autorité apostolique, nous statuons et ordonnons (...) (que) celui qui fera l’ostension devra avertir le peuple au moment de la plus forte affluence et dire à haute et intelligible voix, toute fraude cessant, que ladite figure ou représentation n’est pas le vrai Suaire de Notre Seigneur Jésus-Christ, mais qu’elle n’est qu’une peinture ou tableau du Suaire qu’on dit avoir été celui du même Seigneur Jésus-Christ. » (souligné par moi, PEB)
Le pape prenait catégoriquement partie sur l’authenticité de la relique : c’était un faux, une peinture, qui ne pouvait aucunement prétendre au titre de relique. Étrangement, il se refusa à interdire les ostensions. L’argent pouvait donc continuer d’affluer dans les caisses de la collégiale... Il ordonnait même à Pierre d’Arcis de supprimer « tous les obstacles suscités à ces expositions, pourvu qu’on y observe les règles édictées ». En fait, la veuve de Geoffroy I de Charny, Jeanne de Vergy, avait épousé Aymon de Genève et ce personnage était ni plus ni moins que l’oncle (à la mode de Bretagne) de Clément VII, qui s’appelait dans le monde Robert de Genève. Le pape venait donc de se livrer à un banal acte de népotisme, essayant de sauver les intérêts de sa famille mis à mal par l’évêque local…
Ceci dit, connaissant les liens familiaux qui unissaient Clément VII et Jeanne de Vergy, la détermination du pape à déclarer fausse la relique de Lirey n’en devient à nos yeux que plus significative.
Il est plus que probable, d’ailleurs, que ce fut sous Jeanne de Vergy et non sous Geoffroy Ier, qu’eurent lieu les premières ostensions. Si les sindonologues ont coutume de dire que le « suaire » existait du vivant de Geoffroy Ier de Charny, toutes les déclarations censées corroborer ce fait sont tardives et contradictoires, et aucun élément ne vient les appuyer. Nul chroniqueur ne rapporte une telle information et tous les documents se rapportant à la fondation de la collégiale de Lirey sont muets sur la relique.
Comme Geoffroy Ier est mort en septembre 1356 à la bataille de Poitiers, c’est vraisemblablement après cette date que le « suaire » est apparu, certainement en 1357.
Pierre d’Arcis précise d’ailleurs que le commanditaire des ostensions fut le doyen « cupide et avaricieux » qui se procura le linge peint « pour motif de lucre ». Si Geoffroy était mort, ce « motif » s’explique naturellement. Comme les finances ne rentraient plus, (Jeanne de Vergy étant une veuve désargentée) il fallait attirer les pèlerins et nourrir les chanoines…
On ne connaît malheureusement pas le nom du peintre qui a exercé ses talents à Lirey. Toutefois, on sait quelles ont été ses influences, en-dehors des textes du Nouveau Testament.
Comme le constate l’historienne Odile Célier, le « suaire » de Lirey « semble être l’objet que la chrétienté attendait fiévreusement ». Les marques qu’il porte correspondent très précisément aux thèmes à la mode au XIVe siècle : ceux du linceul du Christ, de la Passion, des plaies sanglantes.
Dès le XIe siècle, des représentations dramatiques jouées dans les églises ont intégré des linceuls factices dans le déroulement de la liturgie du temps pascal. L’élévation de ces draps était le grand moment de tels jeux scéniques. Au XIIIe siècle, on commença également à utiliser des epitaphioi, pièces de tissu représentant un Christ mort, étendu, les mains croisées C’est également à partir du XIe siècle, que l’on se prit à représenter le Christ mort. Au XIVe siècle, l’époque à laquelle apparaît le « suaire », ce type de représentation était même devenue la règle.
La ressemblance du « suaire » avec l’iconographie chrétienne du XIVe siècle gothique est frappante : jambes légèrement fléchies, pieds suggérant qu’ils ont été ramenés l’un sur l’autre lors du crucifiement, couronne d’épines (qui apparaît dans l’iconographie chrétienne vers 1245), coulée de sang le long des bras avec le fort écoulement sanguin au côté (caractéristiques de l’œuvre de Giotto), doigts extrêmement longs, etc. - rien ne manque.
Le portrait du Christ sur le « suaire » s’inscrit visiblement dans la tradition classique de l’iconographie chrétienne, qui s’est développée depuis Ve siècle, en passant plus tard par Byzance. La comparaison entre les caractères du « suaire » et l’iconographie chrétienne ne prouvent donc pas que celle-ci a été influencée par celui-là, comme le proclament les sindonologues, mais bien que l’auteur du « suaire » a intégré dans son oeuvre les éléments iconographiques de son temps.
D’autre part, ce n’est pas une coïncidence fortuite si le culte du Christ sanglant est l’un des traits fondamentaux de la mystique du XIVe siècle. C’est dans ce siècle que prend naissance en effet la dévotion aux « cinq plaies ». C’est en ce siècle que la « voyante » Julienne de Norwich, décrit Jésus avec » de grosses gouttes (qui) tombaient de dessous la couronne comme des caillots qui paraissaient sortir des veines ». C’est également au XIVe siècle que des fidèles connus sous le nom de « flagellants » se rassemblent pour participer à des processions de pénitence, au cours desquelles ils se fouettent en public en chantant : « Or avant, entre nous tuit frère; battons nos charoignes bien fort en remembrant la grant misère de Dieu et sa piteuse mort ».
S’il cherchait de l’inspiration, le peintre n’eut que l’embarras du choix.
On ne sait pas avec certitude quelle technique il a utilisé. Mais sur ce point aussi, il avait à sa disposition des méthodes ingénieuses lui permettant d’élaborer une figure mystérieuse d’aspect fantomatique.
Le Dr McCrone a demandé à un artiste de réaliser un portrait du Christ en inversant le clair et l’obscur (voir images). Celui-ci utilisa un pinceau fin, de l’eau pure, 1% de gélatine et quelques particules d’oxyde de fer. Le résultat est impressionnant. Il est impossible de distinguer à l’oeil nu l’image obtenue par l’artiste contemporain de celle du « suaire »…

peinture de stanford
Images positive et négative d'un vrai-faux « suaire » réalisé par l'artiste Walter Stanford.
Le Pr. Randall R. Bresee et d’Emily A. Craig ont décliné cette version. Ils ont d’abord peint le corps du Christ en positif sur un grand papier, puis ont placé ce papier sur une pièce de lin de même dimension ; ils ont frotté vigoureusement pour y décalquer l’image. Le « brunissage » comporte exactement les mêmes caractéristiques que le « suaire ».
L’Américain Joe Nickell s’est, lui, servit d’un bas-relief, se souvenant peut-être de l’analyse tridimensionnelle du S.T.U.R.P… Il a trempé son drap dans de l’eau chaude, l’a appliqué sur un bas-relief, puis, une fois qu’il était sec, l’a frotté avec de l’oxyde de fer. Le résultat obtenu est saisissant. Et il a l’avantage d’être à la portée de n’importe quel gamin de cours élémentaire....
Toutes ces techniques sont compatibles avec la technique médiévale et correspondent aux dossiers scientifiques du « suaire ».
Conclusion…
Au final, on ne peut donc que reconnaître que le « suaire » n’est plus un mystère depuis longtemps et que les sindonologues abusent de la crédulité du public, avec (parfois, souvent…) la complicité de médias peu scrupuleux en quête d’audimat. L’émission « Secrets d’actualité » sur M6 de mars 2005 est le dernier exemple en date : il y en aura d’autres.

Paul-Éric Blanrue



hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Zetetique - Ray Rogers a trompé...

http://www.zetetique.ldh.org/suaire_rogers.html

« Suaire » de Turin :
Comment Ray Rogers a trompé ses lecteurs.


Dossier réalisé par Patrick Berger
Janvier 2005, rebondissement de l´affaire du « suaire » de Turin.

Peu de temps avant de décéder en mars 2005, un chimiste retraité, ex-membre du STURP(*), Raymond Rogers, publie un article scientifique (1) dont la conclusion est sans appel : l´échantillon ayant servi à la datation au carbone 14 n´appartient pas au tissu original du « suaire ». Une nouvelle méthode de datation indique, en effet, de profondes différences entre des fibres prélevées sur l´ensemble du « suaire » et celle de l´échantillon de la radiodatation de 1988 (2). La toile de lin sur laquelle apparaît l'image du corps d´un homme assimilé à Jésus aurait été tissée entre 1300 et 3000 ans avant nos jours. Les échantillons prélevés en bordure du tissu (échantillon C14 entre autres) seraient au contraire des pièces médiévales datant au plus de la fin du XIIIe siècle comme en atteste la présence d´un colorant dont l´emploi remonte à 1290. Tout est à refaire : Ray Rogers appelle de ses vœux qu´une nouvelle radiodatation soit entreprise.
L´article fait l´effet d´une bombe dans le monde de la sindonologie (nom donné à l´étude du « suaire » par les voies scientifiques). Partisans du caractère inexplicable de la relique et tenants de la thèse du « faux médiéval » s´affrontent de nouveau. La polémique est relancée jusque dans la presse française (M6, Science & Vie) et de nombreux sites Internet reprennent à leur compte les résultats de Ray Rogers. L´essentiel des débats rappelle les éléments incontournables du dossier d'avant 2005 sans pour autant creuser le cœur de la nouvelle polémique.

D´après Ray Rogers, l´échantillon du « suaire » daté au carbone 14 en 1988 appartiendrait à un rapiéçage de l´étoffe.
Fidèle à son principe de retour aux sources, la démarche zététique réclame de prendre le problème à la racine. Une lecture de l´article de Ray Rogers et une analyse critique de ce papier s´imposent.

Datation par la vanilline
La première partie de l´article de Rogers présente la méthode et les résultats d´une datation par la vanilline des différentes fibres que l´auteur avait en sa possession dès 1979. Ray Rogers procède à une analyse comparative de la présence ou non de vanilline dans les fibres en sa possession. La vanilline est une des molécules présente dans la lignine que l´on peut observer sous forme de dépôts sombres au niveau des nœuds de croissance des fibres (photo microscope à l´appui). Pour détecter la présence de ladite molécule, Rogers réalise un test binaire à l´aide d´un indicateur coloré. Ce test est négatif pour les fibres prélevées sur l´ensemble de la surface du « suaire » en 1978. Mais surprise : le test est positif pour les fibres issues de l´échantillon découpé par Raes en 1973 et à côté duquel sera découpé l´échantillon C14. Ce test est aussi positif pour la toile de Hollande, tissu ayant servi de doublure de renforcement au « suaire » après l´incendie de 1532. Preuve est donc faite, pour Rogers, que les fibres issues de l´échantillon Raes (et donc celle de l´échantillon C14) sont différentes de celles du reste du « suaire ».
L´auteur exploite alors cette différence pour estimer l´âge de la relique à partir d´une loi donnant la variation du taux de vanilline au cours du temps. En admettant que le seuil de détection de la molécule est constant, il en déduit que le « suaire » est bien plus ancien que ne le prévoit la thèse du « faux médiéval ». Suivant cette thèse, les fibres du « suaire » auraient dû conserver 37% de leur vanilline pour un tissu datant au plus de 1260. Les fibres issues de la toile de Hollande donne ainsi un résultat positif au test. Qu´en est-il alors pour le reste du « suaire » ? Calculs faits, le tissu original daterait grossièrement de 1300 à 3000 ans avant nos jours . La thèse de l´authenticité de la relique est sauvée !
Analyse d´un revêtement coloré des fibres
La deuxième partie de l´article de Rogers étudie la composition possible d´un revêtement jaune-brun que l'auteur observe à la surface des segments de fils tirés de l´échantillon Raes et de l´échantillon C14 (en sa possession depuis peu). Intérêt de l´affaire : ce revêtement n´est pas observé par l´auteur sur les fibres issues du reste du « suaire ».

Image des fibres de l´échantillon C14 dans l´eau (agrandissement 800).
Rogers y observe un gonflement de la gomme de revêtement qui devient translucide et se détache des fibres.
Les analyses chimiques révèlent qu´il s´agit d´une gomme végétale contenant une teinture d´alizarine, un colorant apparu en Italie en 1290. Rogers suggère que cette coloration aurait servi à ne pas dépareiller le « suaire » lors d´un rapiéçage de la relique. Et ce serait donc dans ce rapiéçage que les échantillons de Raes et de la radiodatation ont été découpés.
Reste à identifier précisément cette gomme végétale et s´assurer qu´elle est bien absente des autres fibres du « suaire ». Premier résultat : cette gomme n´est pas soluble dans des solvants non-polaires. Elle est en revanche soluble dans l´eau et son hydrolyse en milieux acides ou basiques révèle qu´il pourrait bien s´agir de pentoses. Afin de s´en assurer, Rogers réalise des analyses par spectroscopie de masse de la pyrolyse des différentes fibres qu´il possède. Résultat : seules les fibres de l´échantillon de Raes présentent un produit pyrolytique caractéristique des pentoses comme ceux qui constituent la gomme arabique. Or la gomme arabique est un liant classique à la base des détrempes. Ce résultat accrédite donc l´idée que les échantillons Raes et C14 ont bien été volontairement colorés alors que le reste du « suaire » ne l´est pas.

Au final, Rogers entend avoir démontré que la portion de tissu prélevée pour la radiodatation appartient à un rapiéçage ingénieux datant du Moyen Age tandis que l´étoffe originale pourrait très bien dater du début de notre ère.

La porte resterait-elle ouverte à la thèse de l´authenticité du « suaire » ? Pas si sûr...
Origine des fibres étudiées
Premier point surprenant, pour qui connaît l´affaire, le protocole de datation C14 de 1988 précise bien que l´emplacement du prélèvement de tissu à analyser était éloigné « de tout rapiéçage ou de toute zone carbonisée » (2). Et c´est en présence de témoins aux origines diverses que fut réalisé ce prélèvement : des membres du clergé (le cardinal Ballestero, Mgr Caramello, etc.), un membre du STURP (Giovanni Riggi qui a procédé à la découpe), un expert en textiles (Gabriel Vial) et des scientifiques comprenant des représentants des trois laboratoires indépendants ayant à réaliser la datation. Cette multiplication du nombre et de la qualité des témoins n´était pas anodine : elle permettait de s´assurer que les différentes clauses du protocole étaient bien respectées.
Quid de l´origine des fibres étudiées par Rogers ? Ce dernier nous en précise la provenance dans son article :
  • Les fibres récupérées sur l´ensemble du « suaire » proviennent de 32 rubans adhésifs spécialement conçus pour ces prélèvements réalisés par Rogers lui-même en 1978.
  • Les fibres provenant de la toile de Hollande ont été prélevées de la même manière par Rogers en 1978
  • Les fibres de l´échantillon de Raes proviennent de 14 segments de fils du morceau de tissu découpé en 1973. Ces fils ont été envoyés à Rogers par le Pr. Luigi Gonella en 1979.
  • Les fibres de l´échantillon C14 proviennent de fils que le Pr. Luigi Gonella rapporte avoir récupérés au centre du morceau de tissu découpé par Riggi en 1988. Ces fils ont aussi été envoyés à Rogers par le Pr. Luigi Gonella.
Qui est donc le Pr. Luigi Gonella ? Il s´agit d´un physicien de l´université polytechnique de Turin, conseiller scientifique de Mgr Caramello, évêque de Turin et gardien officiel de la relique. En comparaison de la nature des protagonistes de l´expérience de radiodatation de 1988, il est frappant de constater qu´en dehors de personnes proches de l´Eglise, personne ne peut attester de l´authenticité et de la bonne conservation des fibres dont Rogers s´est servi pour ses analyses. En d´autres termes, la thèse du rapiéçage est pour le moins... extraordinaire.
Présente-t-elle pour autant des preuves plus qu´ordinaires ?
Comparaison n´est pas raison
Les preuves apportées par Ray Rogers consistent en une comparaison de fibres d´origines différentes. Les fibres prélevées sur l´ensemble sur « suaire » sont toutes des fibres superficielles du tissu. Elles ont toutes été arrachées à l´aide d´un ruban adhésif. Les fibres des échantillons Raes et C14 proviennent, en revanche, de segments de fils entiers tirés de découpes du tissu. Admettre que ces fibres doivent être identiques, faute de quoi il est prouvé qu´elles ne proviennent pas d´un même tissu, revient à confondre l´écume des vagues avec la mer.
Même si les fibres superficielles et les fils du tissu doivent avoir des caractéristiques communes, leurs propriétés de surface n´ont aucune raison d´être les mêmes. Ainsi, il n´est guère surprenant que Rogers ne trouve aucun enduit de gomme arabique sur les fibres superficielles arrachées par adhésif. Au cours de son histoire, le « suaire » a été l´objet des différentes manipulations comme lors de ses ostensions en public (en plein air pour certaines). Il a aussi été aspergé d´eau lors de l´incendie de 1532. Et le revêtement coloré identifié par Rogers comme de la gomme arabique est soluble dans l´eau (1). En suintant, ce revêtement va par capillarité au cœur et en surface des fils du tissu et non à la surface des fibres dépassant de ces fils. Il est donc tout à fait naturel que les fibres superficielles ne présentent pas le revêtement identifié par Rogers.
Détection de la vanilline
Il n´en va pas de même pour la détection de la vanilline. Rogers précise d´ailleurs qu´il observe des dépôts de lignine aux nœuds de croissance des fibres quelle que soit leur provenance. Il rappelle que la vanilline est une des molécules entrant dans la composition de la lignine. Cette composition est variable au cours du temps. Elle est aussi fonction des conditions physico-chimiques.

Pour détecter la présence de vanilline, Rogers fait appel au test de Wiesner. Il s´agit d´une méthode classique permettant de détecter la présence de certaines molécules entrant dans la composition de la lignine. En présence de ces molécules, un indicateur coloré, la phloroglucine chlorhydrique, vire au rouge-groseille (la teinte varie en fonction des molécules présentes).
La vanilline est une des molécules réagissant au test de Wiesner. Malheureusement ce n´est pas la seule. Elle ne contribue d´ailleurs que de façon marginale à la coloration. Une publication scientifique de Pomer et al., datée de 2002 (3), précise d´ailleurs « However, given the relatively low abundance of 4- O-linked vanillin in lignifying cell walls and the low extinction coefficient of its red-brown phloroglucinol adduct, it is unlikely that vanillin contributes to a great extent to the phloroglucinol-positive stain reaction. » (« En revanche, étant donnée la faible abondance relative de la vanilline liée par son oxygène en position 4 dans les parois des cellules lignifiantes, et étant donné le faible coefficient d´absorption de son adduit de phloroglucine rouge-brun, il est peu probable que la vanilline contribue beaucoup à la réaction de coloration positive à la phloroglucine. »)
Cet article précise d´ailleurs quelles sont les molécules intervenant de façon prépondérante dans la coloration. Parmi ces molécules, plusieurs entrent dans la composition de la lignine (4). Le test de Wiesner réalisé par Rogers n´est donc en rien un test spécifique de la présence de vanilline.

Image des fibres superficielles du « suaire » collées à l´adhésif (agrandissement 400)
Rogers y observe « des dépôts sombres de lignine aisément visible au niveau des nodules de croissance. »
Néanmoins, cette erreur de chimie analytique, surprenante de la part d´un chimiste, prête à peu de conséquence pour la méthode de datation proposée par ce dernier.

Une méthode de datation inédite !
Le test de Wiesner pour la lignine est tout de même positif pour les échantillons Raes et C14 alors qu´il ne l´est pas pour les fibres superficielles du « suaire ». Si le chimiste Rogers s´est mépris sur le caractère unique de la molécule en jeu, les calculs de datation qui suivent n´en sont pas pour autant invalidés par cet argument. Regardons de plus près ce que vaut cette méthode de datation… inédite ! Car il s´agit bien la d´une méthode totalement nouvelle. L´auteur ne cite aucune référence antérieure et aucun laboratoire de datation au monde ne propose une telle méthode. Pour preuve, cette page web du ministère de la culture (5) qui rappelle les différentes méthodes classiques de datation employées en histoire et en archéologie : thermoluminescence (pour les matériaux cristallins), carbone 14 (pour les matières carbonées comme celles issues du règne du vivant), dendrochronologie (pour les matériaux en bois), etc. Nulle trace d´une datation à la vanilline / lignine !
Si cette méthode de datation est totalement inédite, elle doit apporter de sérieuses garanties de sa fiabilité. à titre de comparaison, il a fallu attendre 1983 et une étude menée par quatre laboratoires coordonnés par le British Museum pour s´assurer que la nouvelle technique de mesure du C14 par spectroscopie de masse était parfaitement fiable. Quelles garanties apporte donc Ray Rogers ?
  • Le temps mis par la lignine pour ne plus réagir au test de Wiesner n´a été établi que pour trois valeurs de températures (40°C, 70°C et 100°C). Et c´est avec ces trois valeurs que Rogers détermine la loi cinétique de dégradation de la « vanilline ». Il utilise donc trois valeurs expérimentales pour vérifier une loi à deux paramètres. Autrement dit, le strict minimum !
  • Rogers calcule ces deux paramètres mais n´indique aucune marge d´erreur pour leur valeurs.
  • Pour finir, il est impossible au lecteur de vérifier les valeurs fournies par Rogers. Les données expérimentales à partir desquelles il détermine ces valeurs ne sont pas précisées et aucune référence bibliographique n´est donnée. Seul le nom du collaborateur ayant réalisée lesdites mesures est cité : Stanley T. Kosiewicz.
Données sources indisponibles, marges d´erreur absentes et vérification a minima du modèle cinétique : l´article de Rogers ne répond donc à aucune des exigences minimales d´une publication scientifique.


Le rôle de la température

Si Rogers ne fournit aucune donnée source, il indique en revanche la valeur de la constante cinétique de la réaction d´ordre 1 de dégradation de la « vanilline ». Il est alors possible de reprendre et pousser plus avant les calculs de datation menés par l´auteur.

La constante cinétique s´écrit k = 3,7.1011.exp(-123800/8,314T).

En l´absence de marge d´erreur, on pourra prendre au minimum les erreurs d´arrondies.
La fréquence d´Arhénius s´écrit donc : Z = 3,7.1011 ± 0,05.1011 s-1. L´énergie d´activation s´écrit : E = 123800 ± 50 J. Enfin on prendra pour la constante des gaz parfaits une valeur plus précise : R = 8,31448 J.K-1.mol-1. L´incertitude relative due à l´arrondi de la valeur de E est de l´ordre de l´ordre 10-4. Elle n´est cependant pas négligeable car elle intervient dans une exponentielle. Calculs faits, les durées obtenues sont assorties d´une incertitude allant jusqu´à 3,5%.

En pratique, ce sont les incertitudes sur la température qui sont prépondérantes : augmenter la température d´exposition de 1°C revient à diminuer le temps nécessaire à la perte de la « vanilline » de 15% ! Le tableau ci-dessous précise le temps nécessaire à la disparition de 95% de la « vanilline » en fonction de la température. Ce taux de 95% est celui choisi (sans justification) par Rogers comme seuil de détection du test de Wiesner. C´est à partir de ce pourcentage qu´il déduit la plage d´âge 1300-3000 ans pour le « suaire ».


Température (°C)Température (K)Temps 95% (s)Temps 95% (unités adaptées)
10283,155,51.101117700 ans
20293,159,30.10102950 ans
23296,155,48.10101760 ans
25298,153,97.10101260 ans
200473,153,77.1026 min 20 s
300573,151,551,55 s
400673,153,28.10-233 ms
Ce tableau illustre la très forte dépendance de la méthode de datation employée par Rogers en fonction de la température : de 25°C à 10°C, le temps de disparition de la « vanilline » va du simple au décuple.
Mais le résultat le plus intéressant apparaît aux températures élevées. Il suffit de quelques secondes à 300°C pour faire disparaître totalement la « vanilline » (en réalité les réactifs du test de Wiesner). À 400°C et au-delà , cette disparition est quasi instantanée.
Rogers rappelle à juste titre qu´en 1532, le « suaire » a été pris dans un incendie de la chapelle où il était conservé. Il fut heureusement extrait de sa chasse d´argent qui commençait à fondre, les treillis de fer portés au rouge.
La température de fusion de l´argent est de 960°C et celle du fer est de 1535°C. Voilà qui donne un ordre de grandeur de la température des gaz incandescents dans la chapelle (environ 1000°C). Toute fibre du « suaire » qui aurait été portée à ces températures aurait perdu immédiatement sa capacité à réagir au test de Wiesner. Rogers rappelle alors que le lin est très mauvais conducteur de chaleur. Mais c´est justement pour cette raison que les parties superficielles du tissu ont toutes les chances d´être touchées tandis que le cœur de fils constituant la toile n´a été que peu affecté par l´incendie (exception faite, bien entendu, des parties du linge ayant été brûlées). La nature des fibres que Rogers a analysées se révèle ici un élément de première importance. Il permet de rendre compte des différences observées par le chimiste.
Un article relu par les pairs ?
Comparaison sans raison de fibres d´origine distincte, erreur de chimie analytique, absence de données sources et de référence bibliographique, absence de marges d´erreur sur les valeurs numériques, choix arbitraire de valeur seuil pour le test de Wiesner, absence de prise en compte des phénomènes de surface, etc. Face à tant d´erreurs ou de manque de rigueur scientifique, il convient de se demander si l´article de Rogers a bien été relu par ses pairs avant publication.
Un autre élément laisse penser que ce n´est pas le cas : sur les trois équations que contient l´article, on compte deux coquilles très visibles et une simplification non justifiée...
  • Le facteur k est répété deux fois dans la première équation. En effet, la seconde l´identifie à Z.exp(-E/RT), tout comme le texte de l´article : «  k is the rate constant, s-1 ».
  • L´exponentielle est répétée deux fois dans la deuxième équation (cf. trait rouge).
  • Entre la première et la dernière équation, le terme f(α) a été simplifié en α (réaction d´ordre 1) sans aucune justification. Rien ne prouve, en effet, que plusieurs espèces chimiques n´interviennent pas dans le processus de dégradation de la lignine, bien au contraire (cf. test de Wiesner).
Conclusion
Raymond Rogers a réussi à publier un article dans une revue scientifique sans que celui-ci soit manifestement relu par d´autres chercheurs. Analysé en profondeur, cet article nous apprend une seule chose : les fibres de surface du « suaire » ont été plus abîmées que celles du cœur du tissu. Une dernière question est donc laissée à la sagacité du lecteur : cela vaut-il la peine de refaire une radiodatation du « suaire » sur la base d'un résultat des plus ordinaires  qui ne remet nullement en cause la datation de 1988 ?
P.B.



(5) Méthodes de datation classiques rappelées par G.Querré et E. Porto du laboratoire de recherche des musées de France :


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Zetetique - Médiatisé/démystifié



Le suaire de Turin médiatisé et démystifié


Malgré la datation au carbone 14 en 1988 qui faisait du suaire une oeuvre du Moyen-Age et mettait ainsi fin à la croyance au linceul de Jésus-Christ, la controverse reprend...

Il est rare qu’une entreprise de démystification fasse l’objet d’une médiatisation

Les sceptiques et rationalistes s’en désolent souvent : le surnaturel a meilleure presse que la raison. Or, une affaire agite actuellement presse et chaînes télévisées, et il se trouve qu’elle sert une bonne cause. Le suaire de Turin revient en force sur le devant de la scène : une conférence assortie d’une expérimentation de l’historien et zététicien Paul-Éric Blanrue, au Museum national d’histoire naturelle, répond à une nouvelle contre-enquête des sindologues, rallie les suffrages journalistiques, et rebondit de façon heureuse dans plusieurs médias. Canal + s’en fait l’écho dans sa Matinale de mercredi 22 juin, et se fait piquante pour ceux qui restent vissés à cette croyance du linceul du Christ. Le Monde relate l’événement dans un article signé Hervé Morin du 23 juin, et se met du côté sceptique sans ambiguité. La conférence de monsieur Blanrue fut soutenue par le mensuel Science & Vie, lequel consacre près de 10 pages à la vérité sur le suaire dans son numéro de juillet.

La revue ouvre ce dossier en s’interrogeant sur la fascination qu’exerce la relique de Turin sur certains scientifiques

« Le caractère sacré de celle-ci aurait-il le pouvoir d’impressionner la science au point de lui faire oublier ses propres vertus ? » Le ton est donné et les rationalistes s’en félicitent : Science & Vie se positionne du côté des sceptiques et du côté des scientifiques qui laissent cette fascination hors de leur champ d’étude. La radiodatation au carbone 14, réalisée par trois laboratoires différents (Suisse, Royaume-Uni et États-Unis) avait pourtant tranché en 1988 : le linceul de lin a moins de 800 ans. Pourtant une étude récente, publiée dans Thermochimica Acta en janvier 2005, affirme que les prélèvements faits en 1988 étaient sans doute des pièces raccommodées du suaire, donc postérieures au restant du linceul. Le chimiste Rogers, auteur de l’article, a analysé le taux de vanilline, spécifique aux fibres de lin, du suaire. Sur un morceau prélevé pour la datation officielle le taux est nul, alors que sur d’autres endroits, il en existe. Pour Rogers, c’est la preuve que les pièces qui ont été testées au carbone 14 sont des pièces rapportées. Le reste de l’étoffe ne présente pas selon lui le taux de vanilline qu’on attendrait d’un tissu du Moyen-Age. Mais pour le directeur du centre de datation par le radiocarbone de l’université de Lyon, Jacques Evin, la diminution de la vanilline n’est pas régulière dans le temps et dépend trop des conditions d’humidité et de température pour être un critère utilisable. D’autres scientifiques se joignent à lui pour dénoncer les faiblesses de l’article de Rogers : absence de données-source, coquilles dans les formules mathématiques, marge d’incertitude non prise en compte, et pour clamer haut et fort la fiabilité de la datation au carbone.

N’empêche, cet article a semblé redonner vigueur aux croyants en l’authenticité du suaire

Et d’abord aux sindologues, qui ont inventé « la sindologie », dispcipline réductrice qui n’étudie que le linceul et veut « faire science ». Ils réaffirment que le suaire a des qualités miraculeuses : il résiste à la chaleur, à l’eau, et à certains acides. Mais des essais menés par Henri Broch et Joe Nickell ont montré que de la gélatine ajoutée à l’oxyde de fer (la gélatine était connue au Moyen-Age pour être un fixant des couleurs), riche en collagène, lui permettait de résister à toutes les agressions, à l’immersion dans l’eau et dans plusieurs acides, ainsi qu’à la chaleur. La technique faussaire de la fabrication de l’image du Christ, qui permet de lui faire subir les tests sans dommage fut expérimentée pendant la conférence de Paul-Eric Blanrue au Museum. D’autres signes forts plaident en faveur d’un faux : le lin du suaire est tissé d’une façon particulière avec un métier à quatre marches qui n’apparaît que tard, au VIII e siècle. Et les traces de stigmates sont trop parfaites pour être vraies : la torture subie aurait dû laisser des marques plus floues, plus déchirées.

Science & Vie regrette, dans sa conclusion, que l’authenticité du suaire parvienne encore à s’ériger en dogme

L’auteure de ce dossier, Isabelle Bourdial, y insiste sur « la nécessité de s’en tenir à la science », comme pour une ultime incitation à la clairvoyance. Mais la petite phrase la plus percutante revient à Paul-Éric Blanrue : « Il n’est visiblement pas facile de placer sa spécialité scientifique au-dessus de ses croyances. »


hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Zetetique - Miracle ou imposture ?



Miracle ou imposture ? L’histoire interdite du « suaire » de Turin

Paul-Eric Blanrue. Éditions Golias, 1999, 270 pages.

Note de lecture d’Igor Ziegler - SPS n° 241, mars 2000
Ou le monde magique des faussaires de faux suaires...
L’histoire commence il y a fort longtemps lorsqu’une petite église collégiale de la région de Troyes décida, dans le cadre d’un plan marketing savamment élaboré, d’attirer massivement les fidèles. Comme l’époque montrait un goût particulier pour les reliques, il fut décidé de faire créer, sur une pièce de lin, une image du corps du Christ telle qu’il aurait pu apparaître au sépulcre.
Cette étoffe fut dans un premier temps exposée en tant que « représentation » mais rapidement les chanoines laissèrent se répandre l’idée qu’il s’agissait du vrai linceul du Christ.
L’archevêque de Troyes intervint dans cette affaire pour que la supercherie ne perdure pas. Il fit appel au roi de France qui tenta, sans succès, de faire saisir l’étoffe. Puis un rapport fut envoyé au pape pour dénoncer ce qui devenait peu à peu une véritable escroquerie. Dans une bulle assez peu véhémente, Clément VII interdit tout de même que l’on introduise la moindre ambiguïté quant à l’origine artistique de l’œuvre.
Ce premier acte se déroulait dans la seconde moitié du XIVe siècle. La pièce de tissu aurait alors dû être rangée au rang de « peinture figurative gothique ». Mais l’épopée de ce qui allait devenir le « suaire » de Turin n’avait pas encore véritablement commencé. Elle devait durer, comme nous le savons, encore plus de 600 ans et nous est joliment comptée par Paul-Eric Blanrue dans son livre Miracle ou imposture ? L’histoire interdite du « suaire » de Turin.
Abondamment documenté, l’ouvrage reprend dans le détail et fait évidemment rarissime pour ce qui concerne les textes sur le sujet - sans concession à la vérité, tous les éléments d’analyse technique et historique relatifs au « saint suaire ».
Le lecteur non hostile à cette étude rationnelle du « linceul » ressortira incollable sur le sujet. Loin des salmigondis extravagants des sindonologues (appellation dont se parent ceux qui étudient le « suaire » pour en démontrer l’authenticité), il pourra expliquer (à ceux qui voudront bien l’écouter) à l’aide de quelles techniques il fut probablement réalisé, comment il fut volé, comment d’une simple icône il est devenu « le linceul original », quel a été son parcours, comment le XXe siècle (grâce, en particulier, aux photos de Secondo Pia) l’a en quelque sorte ressuscité, pourquoi il rappelle partiellement les négatifs photo, comment l’Église a contourné la datation au carbone 14 de 1988 (datation fatale) pour en faire désormais un « objet impossible » etc.
Paul-Eric Blanrue revient aussi sur quelques erreurs de proportions qui semblent grossières : l’avant-bras gauche de même que les phalanges de la main gauche sont beaucoup trop longs ; de même, l’un des pieds est peint « à plat » ce qui implique que la jambe devrait être pliée, or elle ne l’est pas. Ces fautes sont troublantes en regard du soin apporté par l’artiste à la réalisation picturale (soin reconnu par tous y compris par l’archevêque de Troyes en 1389).
Blanrue indique que, selon lui, le dessin du « linceul » est issu de l’empreinte d’un bas-relief (certains scientifiques qui ont étudié de près le tissu penchent pour une peinture très diluée qui expliquerait par ailleurs l’absence de trace de pinceau). Est-il possible que les erreurs de proportions ou de position de l’image aient été tout d’abord faites sur une sculpture (où elle auraient à mon sens été plus voyantes) avant d’être reportées sur la toile ?
Cette question relève évidemment de la « finition » car devant l’écrasante démonstration de Paul-Eric Blanrue on réalise à quel point la foi des sindonologues soulève des montagnes d’aberrations. Ici, nous rappellerons avec l’auteur qu’une approche critique de cet objet ne constitue en rien un dénigrement de l’Église catholique ; pour cause, ce sont dans un premier temps les autorités catholiques qui ont dénoncé l’imposture.
En paraphrasant le professeur Hall du laboratoire d’Oxford, nous dirons qu’après la lecture de l’ouvrage de Paul-Eric Blanrue, ceux qui veulent encore croire à l’authenticité du « Suaire » le peuvent - mais qu’ils débattent avec ceux qui sont convaincus qu’il n’y a jamais eu d’emplois fictifs à la mairie de Paris, à la MNEF ou au conseil général de l’Essonne.
Donc précipitez-vous tel linceul homme sur cet ouvrage sans vous demander à quoi ça suaire !




hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse


Contre - Psychologue Y.Lignon



Le parapsychologue Yves Lignon défend l’authenticité du suaire

Dans VSD - hors série paranormal - août 2005

Note de lecture d’Agnès Lenoire
Après le jugement qui l’a vu débouté face à George Charpak et Henri Broch (lire Science et pseudo-sciences de mai 2005), Yves Lignon ne se décourage pas et se jette, grâce à la très populaire revue VSD - Hors série Paranormal, dans une vieille polémique revenue à la mode : le suaire de Turin (lire l’article « Le suaire de Turin médiatisé et démystifié » dans cette même rubrique).

Un édito en forme de provocation

VSD hors série accueille donc Yves Lignon dans ses colonnes, mais au préalable prend soin de lui préparer le terrain. En effet l’édito de Bernard Thouanel qui ouvre le hors série sera entièrement dédié à la mise à mort de ces zététiciens honnis qui osent se mettre en travers des mystères et des croyances. Pour mieux crucifier la zététique, Thouanel n’hésite pas à user d’un double mensonge. Il affirme : « Les zététiques "modernes" pratiquent trop souvent, hélas, non pas le doute interrogatif, mais le rejet systématique sans examen approfondi. » et plus loin : « Plutôt que de chercher à prouver que d’autres cloches que la leur pourraient sonner faux, les "zététiques" préfèrent carrément les empêcher d’être entendues. »
Double mensonge, d’une part parce que les zététiciens font des études poussées sur tous les sujets qu’ils abordent (mais il faudrait pour cela consulter leurs travaux, ou les rencontrer...), d’autre part parce qu’ils n’ont certainement pas le pouvoir que leur prête Thouanel, pour la simple raison qu’ils sont en petit nombre, et méconnus du grand public. Faites l’expérience : demandez autour de vous ce qu’est la zététique. Vous verrez les yeux ronds de vos interlocuteurs ! La meilleure preuve du peu de place qui est faite à l’esprit critique dans notre société, ce sont les nombreux ouvrages vantant la spiritualité, les mystères, et autres énigmes qui inondent les librairies, ainsi que les miettes jetées à la zététique lors des émissions télévisées. En moyenne, deux minutes leur sont accordées pour contrer une heure de billevesées. Le fameux « son de cloche » évoqué par Thouanel n’est vraiment qu’un grelot, et il a bien du mal à se faire entendre ! Il n’est donc ni dans les moyens ni dans les objectifs des zététiciens de faire obstruction à la parole des tenants du paranormal. Par contre le lecteur ne trouvera dans VSD aucune mention des travaux de la zététique sur le suaire. De quel côté est l’obstruction ?
Après cet édito en forme de tapis rouge déroulé pour les rédacteurs qui vont suivre, l’article de Lignon marche sur du velours : l’esprit du lecteur a été mis dans un moule, minutieusement détourné de toute velléité critique.

Pourtant il faut admettre que l’article commençait bien

M. Lignon nous présente l’historique du suaire et rejoint en cela la qualité du dossier de Science et Vie de juillet 2005. Il n’omet pas de mentionner que, apparu pour la première fois près de Troyes en 1357, le linceul avait été déclaré faux par son évêque. On aurait pu croire à un retour de la raison chez ce parapsychologue. Non, car c’est, comme on peut s’y attendre, l’argumentation qui va le faire basculer du côté de ceux qui veulent absolument croire ou faire croire à l’authenticité du suaire. Il annonce que l’analyse au carbone 14 est remise en question : « On trouve dans les mesures publiées par les trois laboratoires une bizarrerie qui ne devrait être présente que si les échantillons utilisés n’avaient pas la même provenance. Ceci - qui est indiscutable et a été mis en évidence par plusieurs mathématiciens spécialisés - suffit évidemment pour s’interroger sur la fiabilité de l’étude. » Ces deux dernières phrases suffisent à nous interroger en effet sur la fiabilité... d’une telle argumentation ! Mais quelle est cette « bizarrerie » évoquée, non définie ? À quoi peut donc bien renvoyer ce « ceci » qui tombe dans le vide ? À la bizarrerie bien sûr ! Et la bizarrerie renvoie aux éminents mathématiciens dont nous ne saurons pas le nom. La boucle se ferme. Vous n’êtes pas convaincus ? Vous avez raison. Yves Lignon se moque du lecteur en utilisant un discours vide d’informations, et vide de sens. De la pure rhétorique.

Petite liste de faits inconnus et vagues

Plus loin, il nous dresse une liste à puces des événements marquants mais ignorés (dédaignés par les médias, d’après lui), où voisinent des infos fiables, comme la prise de position de l’Église qui prend acte, en 1988, de la datation au carbone 14, avec des approximations, du type « Le responsable des opérations de datation dément avoir qualifié le suaire de faux ». Qui était ce responsable ? De quel laboratoire ? De plus, ce « responsable anonyme » aurait réitéré son affirmation un an après. Finalement, peut-être l’anonyme tenait-il à être cité... Trêve de plaisanterie : n’oublions pas que rester vague et ne pas donner de source, c’est le meilleur moyen de tromper.

Les travaux zététiciens éludés

Bien sûr le lecteur ne trouvera aucun développement, ni même aucune mention des travaux des zététiciens, ni de la conférence de Blanrue au Museum d’Histoire naturelle pour expliquer le processus de faussaire utilisé. Le lecteur n’aura droit qu’à une allusion aigrie au physicien Henri Broch, adversaire de toujours : « Ce point de vue [technique de faussaire] a été défendu par un physicien dont l’acharnement donne à penser qu’il ne cherche pas à démontrer que le suaire est faux, mais qu’il veut à tout prix que ce soit un faux. »

Maître dans l’art d’ajuster la réalité

Monsieur Lignon est quand même très mal placé pour dénoncer l’acharnement de ses adversaires, alors qu’il a montré lui-même pendant son procès un solide acharnement dans la mauvaise foi. Il assurait en effet qu’il y avait un auvent au-dessus du sarcophage d’Arles-sur-Tech, alors que tous les témoignages, ainsi que des photos présentées à l’appui, convergeaient vers le contraire. Mais la présence d’un abri servait sa thèse qu’aucune infiltration d’eau ne pouvait s’y produire, il y tenait donc particulièrement. De façon évidente, Yves Lignon est maître dans l’art d’ajuster la réalité à ses objectifs personnels et aux théories qu’il élabore ! Il est donc tout à fait justifié de prendre ses écrits avec beaucoup d’esprit critique et de méfiance. En fin d’article, il présente l’auteur de l’article qui suit le sien, sur le même sujet, et qui va lui donner une caution scientifique : André Marion, docteur en physique nucléaire, ancien ingénieur de recherches au CNRS (Institut d’optique, Orsay). C’est sans doute en pensant à ce scientifique partisan de l’authenticité du suaire que Science et Vie a écrit : « Le caractère sacré de celle-ci [la relique] aurait-il le pouvoir d’impressionner la science au point de lui faire oublier ses propres vertus ? »

hibou ecrit Cette petite Emma est autiste mais a une voix merveilleuse

Contre - Origine médiévale



Exclusif: l'origine médiévale du suaire de Turin confirmée

Créé le 22-12-2010 à 18h39 - Mis à jour le 23-12-2010 à 13h12


 

Le magazine Sciences et Avenir dévoile dans son numéro daté de janvier 2011 de nouvelles analyses qui confirment l’origine médiévale du suaire de Turin. Ce grand drap de quatre mètres de long n’aurait donc pas été le linceul du Christ.

Le Britannique Thimoty Jull dans son laboratoire de l'Université de l'Arizona. Les images au microscopes révèlent le tissage caractéristique du suaire (à chevrons) et sa composition en lin, à peine contaminée par quelques fibres de coton. (S. Meckler/Sipa pour Sciences et Avenir)
Le Britannique Thimoty Jull dans son laboratoire de l'Université de l'Arizona. Les images au microscopes révèlent le tissage caractéristique du suaire (à chevrons) et sa composition en lin, à peine contaminée par quelques fibres de coton. (S. Meckler/Sipa pour Sciences et Avenir)
En avril 2010, l’ostension du suaire dans la cathédrale de Turin a attiré les foules: deux millions de personnes se sont déplacées pour venir voir ce que des croyants considèrent comme le linceul du Christ. Pourtant, en 1988, l’Eglise catholique annonce les résultats de la datation qu’elle a elle-même organisée : la spectrométrie de masse donne une datation comprise entre 1260 et 1390. Le tissu, montré pour la première fois vers 1357 dans la collégiale de Lirey, dans l’Aube, date donc du Moyen-Age. 


L'archevêque de Turin Severino Poletto devant le suaire, qui a été exposé au public dans sa cathédrale du 10 avril au 23 mai 2010. (Federico Tardito/Lapresse/Sipa)

Contre-attaque

Malgré le sérieux des analyses, confiées à trois laboratoires, les partisans de l’authenticité du suaire ne désarment pas. Les sindonologues -qui se consacrent à l’étude du suaire- contestent violemment la datation. Parmi le flot de critiques, une étude passe le filtre des revues à comité de lecture. Il s’agit d’un article signé par le chimiste américain Raymond Rogers, du laboratoire de Los Alamos. Il affirme que l’échantillon prélevé en 1988 n’est pas valable : il s’agirait d’une partie recousue au 16ème siècle par les sœurs clarisses. Rogers se passionne depuis longtemps pour le suaire: il a fait partie d’un groupe de sindonologues américains qui a été écarté des datations de 1988.

Plusieurs points de l’article de Rogers ont été critiqués –notamment son analyse du taux de vanilline dans l’échantillon (lire l’article de Sciences et Avenir pour en savoir plus). Dans le même temps il a eu beaucoup de succès et a été largement repris pour mettre en doute la datation.

Mettre fin à 20 ans de controverse

Vingt-deux ans après, l’un des acteurs historiques des datations publiées en 1988, le spécialiste de la spectrométrie Timothy Jull, a décidé de mettre fin à la controverse. Sciences et Avenir a eu accès en avant-première aux résultats de ses travaux publiés ce mois-ci dans la revue Radiocarbon. Timothy Jull,  a soumis à deux techniques de microscopie un petit échantillon du suaire, un morceau prélevé en 1988 qui n’avait pas été détruit pour la datation. Il montre ainsi, photos à l’appui, que les analyses ont bien porté sur le tissu originel du suaire et que rien n’a pollué la datation.

Comment fabriquer un suaire

L’enquête de Sciences et Avenir publiée dans le dernier numéro s’intéresse aussi aux travaux menés sur la fabrication du suaire, cette image du corps d’un homme en négatif révélé par les photographies de Secondo Pia en 1898. Si les travaux du chimiste Luigi Garlaschelli montrent qu’il est possible de créer un suaire avec de l’ocre et de l’acide sulfurique, l’ingénieur Paolo Di Lazarro affirme qu’il est impossible de créer l’image du suaire. Sindonologues et zététiciens (qui s’attaquent aux théories réfutables par la science) continuent de batailler !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire